ait, presque d'un commencement de roman qu'il etait pret a
absoudre, voire a encourager, avec une indulgence perverse a la Voisenon
ou a la Crebillon fils.
--Bien des mains de jeunes femmes seraient incapables de faire ce que
j'ai vu la, dit le prince en montrant les aquarelles commencees de Mme
de Villeparisis.
Et il lui demanda si elle avait vu les fleurs de Fantin-Latour qui
venaient d'etre exposees.
--Elles sont de premier ordre et, comme on dit aujourd'hui, d'un beau
peintre, d'un des maitres de la palette, declara M. de Norpois; je
trouve cependant qu'elles ne peuvent pas soutenir la comparaison avec
celles de Mme de Villeparisis ou je reconnais mieux le coloris de la
fleur.
Meme en supposant que la partialite de vieil amant, l'habitude de
flatter, les opinions admises dans une coterie, dictassent ces paroles a
l'ancien ambassadeur, celles-ci prouvaient pourtant sur quel neant de
gout veritable repose le jugement artistique des gens du monde, si
arbitraire qu'un rien peut le faire aller aux pires absurdites, sur le
chemin desquelles il ne rencontre pour l'arreter aucune impression
vraiment sentie.
--Je n'ai aucun merite a connaitre les fleurs, j'ai toujours vecu aux
champs, repondit modestement Mme de Villeparisis. Mais, ajouta-t-elle
gracieusement en s'adressant au prince, si j'en ai eu toute jeune des
notions un peu plus serieuses que les autres enfants de la campagne, je
le dois a un homme bien distingue de votre nation, M. de Schlegel. Je
l'ai rencontre a Broglie ou ma tante Cordelia (la marechale de
Castellane) m'avait amenee. Je me rappelle tres bien que M. Lebrun, M.
de Salvandy, M. Doudan, le faisaient parler sur les fleurs. J'etais une
toute petite fille, je ne pouvais pas bien comprendre ce qu'il disait.
Mais il s'amusait a me faire jouer et, revenu dans votre pays, il
m'envoya un bel herbier en souvenir d'une promenade que nous avions ete
faire en phaeton au Val Richer et ou je m'etais endormie sur ses genoux.
J'ai toujours conserve cet herbier et il m'a appris a remarquer bien des
particularites des fleurs qui ne m'auraient pas frappee sans cela. Quand
Mme de Barante a publie quelques lettres de Mme de Broglie, belles et
affectees comme elle etait elle-meme, j'avais espere y trouver
quelques-unes de ces conversations de M. de Schlegel. Mais c'etait une
femme qui ne cherchait dans la nature que des arguments pour la
religion. Robert m'appela dans le fond du salon, ou il etait avec sa
mere.
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