s nous
coucher... Tu verras ce que nous rapportera cette soiree, et si j'ai
lieu de regretter mon argent!...
VIII
Quand, au lendemain de ce diner, qui devait faire epoque dans sa vie,
Mme Favoral se reveilla, son mari etait deja debout et, un crayon a la
main, il alignait des additions.
L'enchantement s'etait dissipe comme les fumees du vin de Champagne,
et les nuages des mauvais jours s'amassaient sur son front.
S'apercevant que sa femme l'observait:
--Cela coute gras, dit-il d'un ton rogue, de mettre une affaire en
train, et il ne faudrait pas recommencer tous les soirs.
A l'entendre, on eut cru, positivement, que Mme Favoral seule, a
force d'obsessions, l'avait decide a cette depense qu'il paraissait
regretter si fort. Elle le lui fit remarquer doucement, lui rappelant
que, bien loin de le pousser, elle avait essaye de le retenir,
lui repetant qu'elle augurait mal de cette affaire dont il
s'enthousiasmait, et que s'il voulait la croire, il ne s'aventurerait
pas...
--Sais-tu ce dont il s'agit? interrompit-il brusquement.
--Tu ne me l'as pas dit...
--Eh bien! alors, laisse-moi en repos, avec tes pressentiments. Mes
amis te deplaisent et j'ai bien vu quelle mine tu faisais a la baronne
de Thaller. Mais je suis le maitre, et ce que j'ai resolu sera. J'ai
signe, d'ailleurs. Une fois pour toutes, je te defends de revenir sur
ce sujet.
Sur quoi, s'etant habille avec beaucoup de soin, il decampa en disant
qu'il etait attendu pour dejeuner, par Saint-Pavin, le publiciste
financier, et par M. Jottras, de la maison Jottras et frere.
Une femme adroite ne se fut pas tenue pour battue et eut eu facilement
raison de ce despote dont l'intelligence n'etait pas le fort. Mais
Mme Favoral etait trop fiere pour etre adroite, et d'ailleurs, les
ressorts de sa volonte avaient ete brises par l'oppression successive
d'une maratre odieuse et d'un maitre brutal. Son renoncement a tout
etait complet. Blessee, elle gardait le secret de la blessure,
baissait la tete et se taisait.
Elle ne hasarda donc pas une allusion, et il s'ecoula pres d'une
semaine sans qu'elle entendit prononcer le nom de ses hotes.
C'est par un journal qu'avait oublie au salon M. Favoral, qu'elle
apprit que M. le baron de Thaller venait de fonder une societe par
actions, le _Comptoir de credit mutuel_, au capital de plusieurs
millions.
Au-dessous de l'annonce imprimee en enormes caracteres, venait un long
article, ou il etait demont
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