profiter qu'aux siens.
Cette declaration devait clore la soiree. Il se faisait tard. Les
hotes du samedi se haterent d'endosser leurs pardessus. Et tout en se
retirant:
--Concoit-on cette petite Gilberte! disait Mme Desclavettes. Ah! si
j'avais une fille, je ne lui passerais pas de semblables fantaisies.
Mais sa pauvre mere est si incroyablement faible!
--Mais ce cher Favoral est ferme pour deux, interrompit M. Desormeaux.
Et il est plus que probable qu'il est en train, en ce moment meme, de
relever sa fille du peche de paresse.
Eh bien! pas du tout! Si profondement irrite que dut etre M. Favoral,
ni ce soir-la, ni le lendemain, il ne fit la plus lointaine allusion a
ce qui s'etait passe.
Le lundi, seulement, avant de partir pour son bureau, enveloppant sa
femme et sa fille de son plus mauvais regard:
--M. Costeclar nous doit une visite, dit-il, et il se peut qu'il se
presente en mon absence. Je veux qu'il soit recu, et je vous defends
de sortir pour vous enlever tout pretexte de lui refuser la porte. Je
pense qu'il ne se trouvera, dans ma maison, personne d'assez hardi
pour mal recevoir un homme qui me plait, et que j'ai choisi pour
gendre...
Mais etait-il possible, etait-il probable, que M. Costeclar se
hasardat a une telle demarche, apres l'accueil de Mlle Gilberte, le
samedi soir?
--Non, mille fois non! affirmait Maxence a sa mere et a sa soeur;
ainsi, vous pouvez etre tranquilles...
Elles l'etaient presque, en verite, quand l'apres-midi meme, un rapide
roulement de voiture attira Mme Favoral a la fenetre.
Un coupe attele de deux chevaux gris s'arretait devant la porte...
--Ah! c'est lui! dit-elle a sa fille.
Mlle Gilberte avait legerement pali.
--Il n'y a pas a hesiter, repondit-elle, il faut que tu le recoives,
maman.
--Et toi?
--Je resterai dans ma chambre.
--Penses-tu donc qu'il ne te demandera pas?
--Tu lui repondras que je suis souffrante. Il comprendra...
--Mais ton pere, malheureuse enfant, ton pere!...
--Je ne reconnais pas a mon pere le droit de disposer de ma personne
contre mon gre. J'execre cet homme, qu'il me destine. Voudrais-tu donc
me voir sa femme, me savoir vouee au plus intolerable supplice?
Non, il n'est pas de violence au monde capable de m'arracher mon
consentement. Ainsi, chere mere, fais ce que je te demande. Mon pere
dira tout ce qu'il voudra, je prends tout sur moi!
Il n'y avait pas a discuter, on sonnait. Mlle Gilberte n'eut que
le temps de
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