u pas te coucher?...
La pauvre esclave obeit sans mot dire. Et tout en regagnant sa
chambre:
--De tristes jours se preparent, pensait Mlle Gilberte. Mais bast!
quand je souffrirais un peu, ne serais-je pas bien a plaindre? Est-ce
que Marius se plaint, lui qui renonce pour moi a ses plus cheres
esperances, lui qui, si fier et si desinteresse, se fait l'employe de
M. Marcolet et ne se preoccupe plus que de gagner de l'argent!
Les tristes previsions de Mlle Gilberte ne devaient que trop se
realiser.
Lorsque M. Favoral se montra, le lendemain matin, il avait le front
assombri et les levres contractees de l'homme qui a passe la nuit a
ruminer un plan dont il ne s'ecartera pas.
Au lieu de partir pour son bureau sans mot dire a personne, selon son
habitude, il appela au salon sa femme et ses enfants.
Et apres avoir soigneusement pousse le verrou des portes, s'adressant
a Maxence:
--Vous allez, lui commanda-t-il, me dresser la liste de vos
creanciers... Tachez de n'en oublier aucun, et que ce soit pret le
plus tot possible.
Mais Maxence n'etait plus le meme.
A la suite des reproches si terribles et si merites de sa soeur, une
revolution salutaire s'etait operee en lui. Pendant cette nuit qui
venait de s'ecouler, il avait reflechi a sa conduite, depuis quatre
ans; et il en avait ete consterne et epouvante. Son impression avait
ete celle de l'ivrogne, qui, revenu a la raison, se rememore les actes
ridicules ou degradants qui lui ont ete inspires par l'alcool, et,
confus et humilie, se jure de ne plus boire.
Ainsi Maxence s'etait fait le serment, et en se jurant bien que ce ne
serait pas un serment d'ivrogne, de changer de vie. Et son attitude et
son regard annoncaient la fierte des grandes resolutions.
Au lieu de baisser la tete sous le regard irrite de M. Favoral, et de
balbutier des excuses et de vagues promesses:
--Vous donner la liste que vous me demandez, est inutile, mon pere,
repondit-il. Je suis d'age a porter la responsabilite de mes actes. Je
saurai reparer mes folies. Ce que je dois, je le payerai. Aujourd'hui
meme je verrai mes creanciers et je prendrai des arrangements avec
eux.
--Bien, Maxence! s'ecria Mme Favoral ravie.
Mais il n'etait pas de retour possible, avec le caissier du _Comptoir
de credit mutuel_.
--Voila de belles paroles! ricana-t-il, seulement je doute que les
tailleurs et les chemisiers consentent a s'en payer. C'est pourquoi
j'exige cette liste...
--Cependant...
|