representer les bulletins de la boucherie. Il
s'informait du prix de la pomme qu'il pelait en longs rubans sur son
assiette, et il ne manquait pas d'entrer chez la fruitiere s'assurer
qu'on ne l'avait pas trompe.
Tant d'efforts n'aboutissaient a rien.
Et cependant, il avait pu constater que Maxence avait toujours en
poche deux ou trois pieces de cinq francs.
--Ou les voles-tu? lui demanda-t-il un jour.
--Je les economise sur mes appointements, repondit hardiment le jeune
homme.
Exaspere, M. Favoral eut voulu interesser a ses investigations
l'univers entier. Et un samedi qu'il causait avec ses amis, M.
Chapelain, le bonhomme Desclavettes et papa Desormeaux, montrant sa
femme et sa fille:
--Ces sacrees femmes me pillent, au profit de mon fils, dit-il, et si
adroitement que je n'y vois que du feu! Elles s'entendent avec les
fournisseurs, qui ne sont que des filous patentes, et il ne se mange
rien ici qu'on ne m'ait fait payer le double de sa valeur.
M. Chapelain dissimula mal une grimace, pendant que M. Desclavettes
admirait sincerement un homme qui avait du moins le courage de sa
ladrerie.
Mais M. Desormeaux ne machait jamais son opinion:
--Savez-vous, ami Vincent, dit-il, qu'il faut un fier estomac pour
accepter a diner dans une maison dont le maitre passe son temps a
supputer ce que coute chaque bouchee que machent les convives!
M. Favoral rougit.
--Ce n'est pas la depense que je deplore, repondit-il, mais la
duplicite. Je suis assez riche, Dieu merci! pour n'etre pas reduit a
liarder. C'est avec bien du plaisir que je donnerais a ma femme le
double de ce qu'elle me prend, si elle me le demandait franchement.
Mais c'etait une lecon.
Il dissimula, desormais, et ne parut plus occupe qu'a soumettre son
fils a un regime de son invention et dont la rigueur excessive eut
jete hors de ses gonds le garcon le plus froid.
Il exigea de lui des attestations quotidiennes de son assiduite tant
a l'Ecole de Droit qu'a l'etude. Il lui traca l'itineraire de ses
courses et lui en mesura la duree a quelques minutes pres. Aussitot
apres le diner, il le renfermait a double tour dans sa chambre et
ne manquait jamais, en rentrant a dix heures, de s'assurer de sa
presence.
C'etaient les meilleures mesures qu'il put prendre pour exalter encore
l'aveugle tendresse de Mme Favoral.
En apprenant que Maxence avait une maitresse, elle avait ete rudement
atteinte en ses sentiments les plus chers. Ce n'est jamais s
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