ourse travaille a la prosperite
financiere du pays. Il avait traverse le passage de l'Opera qui est,
comme chacun sait, l'entrepot des informations les plus exactes et les
plus sures. Donc on pouvait le croire.
Il s'etait adosse a la cheminee, et s'emparant de la conversation, il
parlait, il parlait...
Etant a la hausse, il voyait tout en beau. Il croyait a l'eternite du
second Empire. Il chantait les louanges du nouveau cabinet. Il etait
pret a verser tout son sang pour Emile Olivier.
Des gens se plaignaient bien, avouait-il, du ralentissement et de la
difficulte des affaires, mais ces gens, a son avis, n'etaient que des
baissiers. Jamais les affaires n'avaient ete si brillantes. En aucun
temps la prosperite n'avait ete si grande. Les capitaux affluaient.
Les institutions de credit prosperaient. Toutes les valeurs montaient.
Toutes les poches etaient pleines a craquer...
Et les autres ecoutaient, etonnes de cette intarissable faconde, de
ce "bagout" plus paillete d'or que l'eau-de-vie de Dantzig, dont les
commis-voyageurs de la Bourse grisent leurs pratiques...
Tout a coup:
--Mais vous m'excuserez, dit-il, en se precipitant vers l'autre bout
du salon...
C'est que Mme Favoral venait de se lever et de sortir, pour commander
a sa bonne de servir le the.
La place etait libre au pres de Mlle Gilberte, M. Costeclar s'y
precipitait.
--Il sait son metier, grommela M. Desormeaux.
--Assurement, dit M. Desclavettes, si j'avais en ce moment des fonds
disponibles...
--Je m'estimerais heureux de l'avoir pour gendre, declara M. Favoral.
Il y tachait de son mieux. Venu pour faire sa cour, il la faisait.
Interloque par le premier regard de Mlle Gilberte, il avait retrouve
toute sa verve.
C'est son portrait qu'il esquissait d'abord.
Il venait d'atteindre la trentaine, et avait experimente le fort et le
faible de la vie. Il avait eu des succes, mais il s'en etait degoute.
Ayant sonde le vide de ce qu'on appelle le plaisir, il ne souhaitait
plus rien que rencontrer une compagne dont les vertus et les graces
fixeraient le bonheur a son foyer...
Il ne pouvait pas ne pas remarquer l'air distrait de la jeune fille,
mais il avait, pensait-il, des moyens de forcer son attention.
Et il poursuivait, disant qu'il se sentait du bois dont on fait les
maris-modeles. D'avance son plan etait fait. Sa femme serait libre.
Elle aurait ses chevaux et sa voiture a elle, sa loge aux Italiens et
a l'Opera, et un compte ou
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