s plus vulgaires convenances, ecoute les promesses
passionnees d'un inconnu, et elle lui avait engage sa vie. Et le pacte
conclu et solennellement jure, ils s'etaient separes, sans savoir
quand des circonstances propices les rapprocheraient de nouveau.
--Et cependant, se disait la pauvre jeune fille, devant Dieu, M. de
Tregars est mon fiance... Il est mon fiance, et jamais directement
nous n'avons echange un mot. Si nous venions a nous rencontrer dans le
monde, il nous faudrait feindre de ne pas nous connaitre. S'il passe
pres de moi dans la rue, il n'a pas le droit de me saluer. Je ne sais
ou il est, ni ce qu'il devient, ni ce qu'il fait!...
Elle ne l'avait plus revu, en effet; il n'avait pas donne signe de
vie, tant fidelement il se conformait a la volonte qu'elle avait
exprimee. Et peut-etre du fond du coeur, et sans se l'avouer,
l'eut-elle souhaite moins scrupuleux. Peut-etre n'eut-elle pas ete
bien irritee de le voir quelquefois, comme jadis, se glisser a son
passage, sous les vieilles arcades de la rue des Vosges.
Mais tout en souffrant de cette separation, elle en concevait du
caractere de Marius une estime plus haute. Car elle etait bien
sure qu'il souffrait autant et plus qu'elle de la contrainte qu'il
s'imposait.
Aussi, occupait-il constamment sa pensee. Elle ne se lassait pas de
repasser dans son esprit tout ce qu'il avait raconte de son passe;
elle cherchait a se rappeler ses moindres paroles, et jusqu'aux
inflexions de sa voix.
Et, a force de vivre ainsi avec le souvenir de Marius de Tregars, elle
se familiarisait avec lui, dupe a ce point de l'illusion de l'absence,
qu'elle finissait par se persuader qu'elle le connaissait mieux de
jour en jour.
Deja, pres d'un mois s'etait ecoule, quand, une apres-midi encore, en
arrivant a la place Royale, elle le reconnut, debout, pres de ce banc
ou ils avaient si etrangement echange leurs promesses.
Et il la vit bien venir, lui aussi, elle le comprit a son geste. Mais
quand elle ne fut plus qu'a quelques pas, il s'eloigna rapidement,
laissant sur le banc un journal plie.
Pour bien peu, Mme Favoral l'eut rappele, afin de le lui rendre. Mlle
Gilberte l'en dissuada.
--Bast! laisse donc, maman, dit-elle, est-ce que cela vaut la
peine?... Et d'ailleurs ce monsieur est trop loin, maintenant...
Mais tout en preparant la tapisserie qu'elle brodait, avec cette
dexterite qui jamais ne fait defaut aux jeunes filles les plus naives,
elle glissa le journal da
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