t pur et delicat. Je supporte philosophiquement la contradiction; ce
n'est pas d'aujourd'hui que je sais dans quel temps nous vivons et a
quelles gens nous avons affaire. Laissons-les crier! nous n'aurions plus
rien a faire, s'ils n'etaient ce qu'ils sont.
Console-toi de mon accident. Je l'avais prevenu, tu le sais, et j'etais
aussi calme et aussi resolue la veille que je le suis le lendemain.
Si la piece n'est pas defendue, je crois qu'elle ira son train et
qu'on finira par l'ecouter. Sinon, j'aurai fait ce que je devais et je
recommencerai a dire ce que je veux dire toute ma vie, n'importe sous
quelle forme. Reviens-nous bientot. Tu me manques comme une partie
essentielle de ma vie.
A toi de coeur.
GEORGE.
CC
A CHOPIN, A PARIS
Cambrai, 13 aout 1840.
Cher enfant,
Je suis arrivee a midi bien fatiguee; car il y a quarante-cinq lieues
et non trente-cinq de Paris jusqu'ici. Nous vous raconterons de belles
choses des _bourgeois_ de Cambrai. Ils sont _beaux_, ils sont betes, ils
sont epiciers; c'est te sublime du genre. Si la _Marche historique_ ne
nous console pas, nous sommes capables de mourir d'ennui des politesses
qu'on nous fait. Nous sommes loges comme des princes; mais quels hotes,
quelles conversations, quels diners! nous en rions quand nous sommes
ensemble; mais, quand nous sommes devant l'ennemi, quelle piteuse figure
nous faisons! je ne desire plus vous voir arriver; mais j'aspire a m'en
aller bien vite, et je commence a comprendre pourquoi vous ne voulez pas
donner de concerts. Il serait possible que Pauline Viardot ne chantat
pas apres-demain, _faute d'une salle_. Nous repartirions peut-etre
un jour plus tot. Je voudrais etre deja loin des Cambresiens et des
Cambresiennes.
Bonsoir. Je vais me coucher, je tombe de fatigue.
Aimez votre vieille comme elle vous aime.
G. S.
CCI
A MAURICE SAND, A PARIS
Cambrai, samedi soir 15 aout 1840.
Cher toutou,
Je t'aime, je me porte bien, je me couche tot et je me leve _idem_.
Aujourd'hui, nous avons ete voir une manufacture, une cathedrale et la
_Marche historique_, qui serait une chose belle et curieuse de loin.
Mais j'etais trop pres et j'ai vu que c'etait fort sale et deguenille.
Il y avait pourtant quelques beaux costumes, mais peu d'ensemble et rien
d'exact.
Nos hotes nous ont regales d'un diner de quarante personnes, vrai
gueuleton de province, trois he
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