, janvier 1840.
Mon cher vieux,
Je suis enfin installee rue Pigalle, 16, depuis deux jours seulement,
apres avoir bisque, rage, peste, jure contre les tapissiers, serruriers,
etc., etc. Quelle longue, horrible, insupportable affaire que de se
loger ici!
Enfin, c'est termine.
Au milieu de tout cela, j'ai fait une comedie qui, une fois faite, ne
m'a plus semble bonne et que je ne veux pas meme proposer au comite des
Francais. J'aime mieux attendre le resultat du drame[1].
C'est decidement madame Dorval, qui entre aux Francais dans deux mois au
plus tard, et qui va commencer mes repetitions tout de suite. Elle vient
de debuter a la Renaissance. Elle est plus belle que jamais et ses
adversaires eux-memes en conviennent.
J'ai tenu bon: j'ai pousse Buloz; j'ai ete chez le ministre; j'ai
renverse toutes les barrieres et j'ai impose au Theatre-Francais madame
Dorval, qui n'en est pas plus contente pour cela.
Quant a nos personnes, elles sont assez florissantes. Les enfants vont a
merveille, moi bien.
Adieu, mon bon vieux; je t'embrasse en te recommandant de venir voir ma
piece. Je t'avertirai a temps, et tu auras un pied-a-terre chez moi.
Mille amities a ton pere. Les enfants t'embrassent.
GEORGE.
[1[ _Cosima_.
CXCVIII.
A M. HIPPOLYTE CHATIRON, A MONTGIVRAY
Paris, 27 fevrier 1843.
Mon cher vieux,
Tu ne m'ecris donc plus? que deviens-tu? plaides-tu? as-tu recu les
papiers que tu demandais?
Mon drame est toujours a la veille d'entrer en repetition. Je commence a
croire que cette veille-la est celle du jugement dernier. Ils sont tous
en revolution a la cour du roi Petaud. Le comite se prend aux cheveux
avec le ministere. On parle de dissolution de societe. Le ministre veut
donner sa demission, pretendant qu'il aimerait mieux gouverner une bande
d'anthropophages que les comediens du Theatre-Francais. Buloz perd
l'esprit qui lui reste, et, moi, je tache d'attendre avec patience la
fin de la bataille.
Pour couronner tous mes ennuis, j'aurai peut-etre une sifflade de
premiere classe et force pommes plus ou moins cuites. Enfin, vogue la
galere! Que j'aie un succes ou une chute, j'irai me reposer a Nohant de
la vie de Paris, a laquelle je ne me fais pas et ne me ferai, je crois,
jamais.
Du reste, tout va bien. Maurice passe ses journees a l'atelier et fait
des progres. Solange prend force lecons et perd beaucoup de temps a
sa toilette. Elle tombe dans un
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