ans
le passe. Maurice, qui ne reve que peinture et qui fait vraiment des
progres, voudrait bien etre a ta place. Nous sommes a Nohant depuis un
mois, et nous y _jouissons_ d'un temps detestable, par suite d'un petit
imbecile de tremblement de terre qui est venu nous abimer notre pauvre
ete.
Solange est en pension et va venir ici passer ses vacances tres
prochainement.
Maurice t'embrasse. Rapporte-lui de ton Afrique tout ce que tu pourras,
tout ce que tu voudras, fussent de vieilles semelles arabes, ou une
meche de crins de cheval: il trouvera que cela a du _caractere_ et du
_chic_.
Bonsoir, mon cher Benjamin; reviens bientot. Nous nous retrouverons,
j'espere, a Paris, ou je retournerai a l'automne. En attendant, ne crois
pas que je t'aie mis de cote dans mes affections: a cet egard-la, je
n'ai pas change. Mais je suis devenue diablement serieuse et ennuyeuse.
Que Dieu soit avec toi et te donne du soleil, de l'insouciance et des
emotions a doses mesurees. C'est ce que je puis te souhaiter de mieux.
A toi de coeur.
G. S.
CCVII
A MADAME MARLIANI, A PARIS
Nohant, 13 aout 1841.
Il y a bien longtemps que je ne vous ai ecrit, chere belle et bonne.
J'ai eu toutes mes nuits absorbees par le travail et la fatigue. J'ai
passe tous les jours avec Pauline[1] a me promener, a jouer au billard,
et tout cela me fait tellement sortir de mon caractere indolent et de
mes habitudes paresseuses, que, la nuit, au lieu de travailler vite, je
m'endors betement a chaque ligne. C'est une lutte tres penible, je vous
assure, et pourtant, comme je suis deja fort en retard avec Buloz, qui
me tourmente, il n'y a pas moyen de ceder au sommeil. Je me flatte
toujours de m'eveiller a force de cafe et de cigarettes, afin d'arriver,
vers trois heures du matin, a la fin de ma tache et de pouvoir alors
ecrire le peu de lettres qui me tiennent au coeur. Mais je crois que
le cafe est devenu pour moi de l'opium et que le tabac m'abrutit; car,
avant d'avoir fait trois pages de mon roman, je baille a me demettre la
machoire, et, a la fin de la tache, je tombe sur mon oreiller, comme si
Enrico venait de me faire un discours sur les _fourtifications_.
Je crois bien que mon roman ne sera guere plus amusant que lui: il est
impossible de s'ennuyer aussi mortellement d'ecrire, sans que le lecteur
en fasse autant. Avec cela, je suis forcee de relire tous mes anciens
romans pour les corrections de l'edition
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