e les fortifications de la ville, qui sont tres fortes
en effet, et, au lieu de servir leur pays, ils passent le jour a se
pavaner sur les promenades sans songer a repousser les carlistes qui
sont autour de la ville, a la portee du canon, et qui ranconnent leurs
maisons de campagne. Le commerce paye des contributions a don Carlos,
aussi bien qu'a la reine. Personne n'a d'opinion, on ne se doute pas de
ce que peut etre une conviction politique. On est devot, c'est-a-dire
fanatique et bigot, comme au temps de l'inquisition. Il n'y a ni amitie,
ni foi, ni honneur, ni devouement; ni sociabilite. Oh! les miserables!
que je les hais et que je les meprise!
Enfin, nous sommes a Marseille. Chopin a tres bien supporte la
traversee. Il est ici tres faible, mais allant infiniment mieux sous
tous les rapports, et dans les mains du docteur Cauviere, un excellent
homme et un excellent medecin, qui le soigne paternellement et qui
repond de sa guerison. Nous respirons enfin, mais apres combien de
peines et d'angoisses!
Je ne t'ai pas ecrit tout cela avant la fin. Je ne voulais pas
t'attrister, j'attendais des jours meilleurs. Les voici enfin arrives.
Dieu te donne une vie toute de calme et d'espoir! Cher ami, je ne
voudrais pas apprendre que tu as souffert autant que moi durant cette
absence.
Adieu; je te presse sur mon coeur. Mes amities a ceux des tiens qui
m'aiment, a ton brave homme de pere.
Ecris-moi ici a l'adresse du docteur Cauviere, rue de Rome, 71.
Chopin me charge de te bien serrer la main de sa part. Maurice et
Solange t'embrassent. Ils vont a merveille. Maurice est tout a fait
gueri.
CXCI
AU MEME
Marseille, 23 mars 1839.
Cher ami,
Que de malheurs! quelle fatalite sur toi! sur moi, par consequent! Mon
coeur saigne de toutes tes douleurs; mais celle-la m'est personnelle
aussi. Je l'aimais profondement, ton digne pere, et je savais que
j'avais en lui un ami au-dessus de tous les prejuges et de toutes les
calomnies. Un grand coeur plein d'affections genereuses et nourrissant
la foi de l'ideal.
Celui-la est de notre religion, n'en doute pas; nous le retrouverons
dans une vie meilleure. Mais que celle-ci est longue et amere! quelle
qu'elle soit, nous devons la supporter; nous avons des devoirs a
remplir. Peut etre la fatalite est-elle fatiguee de nous frapper. Lors
meme qu'elle ne le serait pas, il nous faut boire le calice jusqu'a la
lie. Quoi qu'il arrive de ce mi
|