re par son portier qu'on est
sorti. Pourtant je deteste Paris sous tous les autres rapports, j'y
engraisse de corps et j'y maigris d'esprit. Toi qui sais comme j'y vis
tranquille et retiree, je ne comprends pas que tu me dises, comme tous
nos provinciaux, que j'y suis pour _la gloire_. Je n'ai point de gloire,
je n'en ai jamais cherche, et je m'en soucie comme d'une cigarette. Je
voudrais humer l'air et vivre en repos. J'y parviens, mais tu vois et tu
sais a quelles conditions.
M. Dudevant ecrit a son fils:
"J'ai une bonne nouvelle a t'apprendre. Madame de Boismartin[1] est
morte."
Apres quoi, il lui annonce que la pauvre vieille a legue a Solange une
belle montre en or avec une chaine pareille.--"Mais Solange est trop
jeune, ajoute-t-il, pour avoir un bijou semblable et je le garde jusqu'a
ce qu'elle soit grande. Quant a toi, continue-t-il, tu as herite de
_vingt napoleons_ pour que tu puisses acheter une montre pareille a
celle de ta soeur. Vois si tu veux une montre ou bien si tu veux _un
cheval arabe_.--Ce qui signifie: "Compte sur ton heritage et bois de
l'eau; tu auras ou une montre de chrysocale, ou un cheval de cinquante
ecus. Le reste, je le garde jusqu'a ce que tu sois grand." Et,
la-dessus, il signe comme toujours: _Ton bon pere,_ et lui annonce, pour
ses etrennes, six pots de confitures dont il engage Solange a _gouter_,
toujours pour ses etrennes. C'est a mourir de rire.
Maurice est furieux. Il n'y a pas de mal a ce qu'il ouvre un peu les
yeux et voie par lui-meme les procedes de son _bon pere._ Du reste, je
suis tres contente du gamin. Il travaille comme un negre, et Delacroix
m'a dit que, quoiqu'il fut le plus nouveau de l'atelier, il etait deja
le plus fort. Il dit qu'il sera un grand peintre, s'il continue a le
vouloir; et, quand Delacroix, qui est tres feroce avec ses eleves, dit
de pareilles choses, c'est bon signe. Ce succes a encourage Maurice. Il
passe ses journees a l'atelier, ou, apres avoir travaille quatre heures
au modele, il fait deux heures d'anatomie avec un professeur que les
eleves se sont donne en se cotisant et qui leur fait un cours complet a
l'Ecole de medecine.
A cinq heures, il rentre et prend, un jour, une lecon d'italien; l'autre
jour, une lecon de litterature francaise avec un jeune homme tres
distingue qui l'interesse beaucoup. Apres diner, jusqu'a minuit, il se
remet au dessin, soit a copier des gravures des anciens maitres, soit a
composer des sujets qui sont pleins
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