me.
Boucoiran nous est arrive avant-hier, et Rollinat hier, tous deux bien
desoles de ne pas te trouver a Paris. Rollinat demeure chez nous. Nous
avons ete voir hier, encore une fois, les Michel-Ange et, dans le meme
palais des beaux-arts, les echantillons du genie de l'ecole ingriste.
C'est pitoyable sous tous les rapports. Il y a un _Promethee enchaine_
qui est textuellement copie de celui de Flaxmann; c'est un peu trop sans
gene. Somme toute, l'ecole n'est pas en progres, et la concurrence n'est
pas decourageante pour ceux qui veulent entrer dans la carriere.
Nous avons eu ici de grands etalages de troupes. On a _fione_ le
gendarme et _cuisse_ le garde national. Tout Paris etait en emoi, comme
s'il s'agissait d'une revolution. Il n'y a rien eu, sinon quelques
passants assommes par les sergents de ville.
Il y avait des endroits de Paris ou il etait dangereux de circuler,
_ces messieurs_ assassinant a droite et a gauche pour le plaisir de se
refaire la main. Chopin, qui ne veut rien croire, a fini par en avoir la
preuve et la certitude.
Madame Marliani est de retour. J'ai dine chez elle avant-hier avec
l'abbe de Lamennais. Hier, Leroux a dine ici. Chopin t'embrasse mille
fois. Il est toujours _qui qui qui me me me;_ Rollinat fume comme un
bateau a vapeur. Solange a ete sage pendant deux ou trois jours; mais,
hier, elle a eu un acces de fureur. Ce sont les Reboul, des voisins
anglais; gens et chiens, qui l'hebetent. Je les vois partir avec joie.
Mais je crois bien que je serai forcee de la mettre en pension si elle
ne veut pas travailler. Elle me ruine en maitres qui ne servent a rien.
Bonjour, mon enfant; ecris-moi bien souvent. Je ne suis pas habituee
a me passer de toi, j'ai besoin de recevoir de tes nouvelles. Nous
t'embrassons tous; moi, je te presse mille fois contre mon coeur.
Je suis contente de mes nouveaux domestiques, surtout du garcon, qui est
un excellent sujet. Mais j'ai tant de guignon, que je vais le perdre: il
est conscrit et on l'appelle a son poste.
CCIII
AU MEME, A GUILLERY, PRES NERAC.
Paris, 20 septembre 1640
Mon enfant,
J'ai recu ta seconde lettre de Guillery. Je suis heureuse d'apprendre
que tu te portes bien et que tu t'amuses. Ne sois pas imprudent avec ton
petit cheval; songe que tu n'es pas encore un bien fameux cavalier, et
ne galope pas trop fort dans les sables. Il y a quelquefois en travers
des sentiers, des racines qu'on ne pe
|