d'Ourcelles je rencontrai le sergent Gouzy. Il n'avait ete
frappe que par une balle morte, qui lui avait cause un engourdissement
douloureux dont il etait deja gueri. Du moment que nos camarades se
battaient, il avait hate de les rejoindre. Le cadre de la compagnie
etant fort reduit, je n'essayai pas de le retenir, bien qu'en verite
son appui m'eut ete utile. Il y avait encore cent metres a parcourir
jusqu'au village, et j'etais a bout de forces. Je ne serais pas arrive,
si deux paysans n'etaient venus courageusement a mon secours.
Revetus, comme en un jour de fete, de leurs habits du dimanche, ils
suivaient anxieux le spectacle de la bataille, du seuil de leur demeure.
Apres s'etre prepares a la quitter, ils ne pouvaient s'y resoudre. Ils
voulaient esperer encore, sans l'oser tout a fait. Quelque cruelle que
fut leur preoccupation, ils parurent l'oublier genereusement pour me
donner des soins. Ils me firent asseoir a leur foyer, me presenterent un
cordial, et, sans toucher a mon bras, m'enleverent mon sac qui pesait
fort sur mes epaules affaiblies.
Le temps passait, et, par la porte entr'ouverte, le bruit du combat nous
parvenait, continu, de plus en plus intense. Dans mon etat de faiblesse,
je ne me rendais plus un compte tres exact de la duree, ni des
evenements; mais il parait que toute une division prussienne etait
venue appuyer les efforts des Bavarois a Villechaumont. Notre division,
violemment canonnee, dut se replier sur la ligne de retranchement
menagee en avant de Villejouan et d'Origny, dans les tranchees que le
1er et le 2e bataillon du 48e avaient occupees la veille. Par ordre, mes
camarades quitterent ainsi vers midi leurs positions avancees. A eux
echut la mission de proteger la retraite. "Sans quelques compagnies du
48e de marche et des chasseurs a pied qui, deployes en tirailleurs,
firent bonne contenance au dela d'Origny, ce mouvement retrograde eut
degenere en deroute", au dire du general Chanzy. Le lendemain, 10
decembre, il cita la compagnie du capitaine Eynard a l'ordre de l'armee,
a l'heure meme ou elle se distinguait de nouveau. Avec tout le regiment,
elle reprit Origny a la baionnette, avant l'aube. Il fut fait la de
nombreux prisonniers. Des qu'il fut engage, le 48e ne se menagea pas:
dans les journees de Josnes, il perdit trois officiers, les lieutenants
Combes, Lafranchi et Lespinasse, et 460 sous-officiers et soldats, tues
ou blesses.
II
Pendant que mes compagnons d'armes devaie
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