a respecte ses droits sur la terre
des croyants, de meme elle respecte ceux d'autrui sur la terre des
chretiens. Allons, releve encore tes cheveux, et revets tes plus beaux
ornements: l'amour de l'homme n'est qu'orgueil, et son ardeur se rallume
quand la femme prend soin de lui paraitre belle. Essuie tes larmes, les
larmes nuisent a l'eclat des yeux. Si tu me confiais le soin de peindre
tes sourcils a la turque et de draper ton voile sur tes epaules a la
maniere perse, sans nul doute le desir d'Orio retournerait vers toi. Voici
Orio, prend ton luth, je vais bruler des parfums dans ta chambre."
Giovanna ne comprend pas ces discours naifs. Mais la douce harmonie de la
voix arabe et l'air tendre et compatissant de l'esclave lui rendent un peu
de courage. Elle ne comprend pas non plus la grandeur d'ame de sa rivale,
car elle persiste a la prendre pour un jeune homme; mais elle n'en est pas
moins touchee de son affection et s'efforce de l'en recompenser en
secouant son abattement. Orio entre, Naam veut se retirer; mais Orio lui
commande de rester. Il craint, en se livrant a un reste d'amour pour
Giovanna, d'encourager ses reproches ou de reveiller ses esperances.
Neanmoins il la menage encore. Elle est toute-puissante aupres de
Morosini. Orio la craint, et a cause de cela, bien qu'il admire sa douceur
et sa bonte, il ne peut se defendre de la hair.
Mais cette fois Giovanna n'est ni craintive ni suppliante. Elle n'est que
plus triste et plus malade que les autres jours.
"Orio, lui dit-elle, je pense que vous auriez du, malgre le refus du comte
Ezzelin, le faire escorter jusqu'a la haute mer. Je crains qu'il ne lui
arrive malheur. De funestes presages m'ont assiegee depuis deux jours. Ne
riez pas des avertissements mysterieux de la Providence. Faites voguer
votre galere sur les traces du comte, s'il en est temps encore. Songez que
c'est dans votre interet autant que dans le sien que je vous conseille
d'agir ainsi. La republique vous rendrait responsable de sa perte.
--Peut-on vous demander, madame, repondit Orio d'un air froid et en la
regardant en face, quels sont ces presages dont vous me parlez, et sur
quel fondement reposent ces craintes?
--Vous voulez que je vous les dise, et vous allez les mepriser comme les
visions d'une femme superstitieuse. Mon devoir est de vous reveler ces
avertissements terribles que j'ai recus d'en haut; si vous n'en profitez
pas...
--Parlez, madame, dit Orio d'un air grave, je vous ec
|