e me sentais a jamais rive. L'esprit de la vie
sentit mes pleurs et s'en emut. Il m'apparut sous la forme d'un ange
radieux et me dit:
"--Tu as connu la pitie, tu as eu pitie de la rose, je veux avoir
pitie de toi. Ton pere est puissant, mais je le suis plus que lui, car
il peut detruire et, moi, je peux creer.
"En parlant ainsi, l'etre brillant me toucha et mon corps devint celui
d'un bel enfant avec un visage semblable au coloris de la rose. Des
ailes de papillon sortirent de mes epaules et je me mis a voltiger
avec delices.
"--Reste avec les fleurs, sous le frais abri des forets, me dit la
fee. A present, ces domes de verdure te cacheront et te protegeront.
Plus tard, quand j'aurai vaincu la rage des elements, tu pourras
parcourir la terre, ou tu seras beni par les hommes et chante par les
poetes.--Quant a toi, rose charmante qui, la premiere as su desarmer
la fureur par la beaute, sois le signe de la future reconciliation
des forces aujourd'hui ennemies de la nature. Tu seras aussi
l'enseignement des races futures, car ces races civilisees voudront
faire servir toutes choses a leurs besoins. Mes dons les plus
precieux, la grace, la douceur et la beaute risqueront de leur sembler
d'une moindre valeur que la richesse et la force. Apprends-leur,
aimable rose, que la plus grande et la plus legitime puissance est
celle qui charme et reconcilie. Je te donne ici un titre que les
siecles futurs n'oseront pas t'oter. Je te proclame reine des fleurs;
les royautes que j'institue sont divines et n'ont qu'un moyen
d'action, le charme.
"Depuis ce jour, j'ai vecu en paix avec le ciel, cheri des hommes, des
animaux et des plantes; ma libre et divine origine me laisse le choix
de resider ou il me plait, mais je suis trop l'ami de la terre et le
serviteur de la vie a laquelle mon souffle bienfaisant contribue, pour
quitter cette terre cherie ou mon premier et eternel amour me retient.
Oui, mes cheres petites, je suis le fidele amant de la rose et par
consequent votre frere et votre ami."
--En ce cas, s'ecrierent toutes les petites roses de l'eglantier,
donne-nous le bal et rejouissons-nous en chantant les louanges de
madame la reine, la rose a cent feuilles de l'Orient.
Le zephyr agita ses jolies ailes et ce fut au-dessus de ma tete une
danse effrenee, accompagnee de frolements de branches et de claquement
de feuilles en guise de timbales et de castagnettes: il arriva bien a
quelques petites folles de dechirer leur robe
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