nsible) marque en traits de jeu combien notre nation est
predisposee a l'individualisme. La juste horreur que nous inspire le
Robert Greslou de Bourget n'empeche point que quelques-unes des
precieuses qualites de nos jeunes gens viennent, comme leurs graves
defauts, de ce qu'ils sont des etres qui ne s'agregent point
naturellement en troupeau_.
_Si je ne m'abuse, l'_Homme libre, _complete par les_ Deracines, _est
utile aux jeunes Francais, en ce qu'il accorde avec le bien general des
dispositions certaines qui les eussent aisement jetes dans un nihilisme
funebre_.
_Je ne me suis jamais interrompu de plaider pour l'individu, alors meme
que je semblais le plus l'humilier. Une de mes theses favorites est de
reclamer que l'education ne soit pas departie aux enfants sans egard
pour leur individualite propre. Je voudrais qu'on respectat leur
preparation familiale et terrienne. J'ai denonce l'esprit de conquerant
et de millenaire d'un Bouteiller qui tombe sur les populations indigenes
comme un administrateur despotique double d'un apotre fanatique; j'ai
marque pourquoi le kantisme, qui est la religion officielle de
l'Universite, deracine les esprits. Si l'on veut bien y reflechir, ce ne
sera pas une petite chose qu'un traditionaliste soit demeure attentif
aux nuances de l'individu. Aussi bien je ne pouvais pas les negliger,
puisque je voulais decrire une certaine sensibilite francaise et surtout
agir sur des Francais. Mon merite est d'avoir tire de l'individualisme
meme ces grands principes de subordination que la plupart des etrangers
possedent instinctivement ou trouvent dans leur religion. Les jeunes
Francais croient en eux-memes; ils jugent de toutes choses par rapport a
leur personne. Ailleurs, il y a le loyalisme; chez nous, c'est
l'honneur, l'honneur du nom qui fait notre principal ressort. Mes
contemporains ne m'eussent pas ecoute si j'avais pris mon point de
depart ailleurs que du_ Moi.
_Au milieu d'un ocean et d'un sombre mystere de vagues qui me pressent,
je me tiens a ma conception historique, comme un naufrage a sa barque.
Je ne touche pas a l'enigme du commencement des choses, ni a la
douloureuse enigme de la fin de toutes choses. Je me cramponne a ma
courte solidite. Je me place dans une collectivite un peu plus longue
que mon individu; je m'invente une destination un peu plus raisonnable
que ma chetive carriere. A force d'humiliations, ma pensee, d'abord si
fiere d'etre libre, arrive a constater sa depend
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