us leurs masques, c'est moi-meme que je
vois palpiter, c'est mon ame que j'approuve, redresse et adore. Leur
beaute peu sure me fait entendre des fragments de mon dialogue
interieur, elle me rend plus precise cette etrange sensation d'angoisse
et d'orgueil dont nous sommes traverses, quand, le tumulte exterieur
apaise quelques moments, nous assistons au choc de nos divers _Moi_.
* * * * *
L'ennui vous empecherait de me suivre, si j'entrais dans le detail de
tous ceux que j'ai invoques. Voici, a titre de specimen, quelques-unes
des meditations les plus poussees ou nous nous satisfaisions.
(Je pense qu'on se represente comment naquirent ces consultations
spirituelles. Nous gardions memoire de nos reflexions singulieres, et
nous nous les communiquions l'un a l'autre dans notre conference du
soir. Elles nous servaient encore a fixer le plan de nos etudes pour les
jours suivants; ce plan se modifiait d'ailleurs sur les variations de
notre sensibilite.)
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I
MEDITATION SPIRITUELLE SUR BENJAMIN CONSTANT
C'est par raisonnement que Simon goute Benjamin Constant. Simon est
seduit par ce role officiel et par cette allure dedaigneuse qui
masquaient un bohemianisme forcene de l'imagination; il felicite
Benjamin Constant de ce que toujours il surveilla son attitude devant
soi-meme et devant la societe, par orgueil de sensibilite, et encore de
ce qu'il eut peu d'illusions sur soi et sur ses contemporains.
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Moi, c'est d'instinct que j'adore Benjamin Constant. S'il etait possible
et utile de causer sans hypocrisie, je me serais entendu, sur divers
points qui me passionnent, avec cet homme assez distingue pour etre tout
a la fois dilettante et fanatique.
J'aime qu'il cherche avec fureur la solitude ou il ne pourra pas se
contenter.
J'aime, quand Mme de Recamier se refuse, le desespoir, la folie lucide
de cet homme de desir qui n'aima jamais que soi, mais que "la contrariete
rendait fou".
J'aime les saccades de son existence qui fut menee par la generosite et
le scepticisme, par l'exaltation et le calcul. J'aime ses convictions,
qui eurent aux Cent-Jours des detours un peu brusques, a cause du
sourire trop souhaite d'une femme. J'admire de telles faiblesses comme
le plus beau trait de cet amour heroique et reflechi que seuls
connaissent les plus grands esprits. Enfin, ses dettes payees par
Louis-Phil
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