illeurs, il ne s'agit que de trouver en nous les vertus qui
caracterisent ces parfaits et de les degager des scories dont la vie les
a recouvertes. Comme une jolie figure, qu'un maitre peignit et que le
temps a remplie d'ombre, reapparait sous les soins d'un expert, ainsi,
par ma methode et ma perseverance, reapparaitront ma veritable personne
et mon univers enfouis sous l'injure des barbares.
Courons des aujourd'hui rendre a ces princes un hommage reflechi. Je
veux quelques minutes m'asseoir sur leurs trones, et de la dignite qu'on
y trouve je demeurerai embelli. Figures que je cherissais des mes
premieres sensibilites, je vous prie en croyant, et par l'ardeur de mes
desirs vos vertus emergeront en moi; je vous prie en philosophe, et par
l'analyse je reconstituerai methodiquement en mon esprit votre beaute.
* * * * *
Des lors, nous passames des heures paisibles a tourner les feuillets,
comme un pretre egrene son chapelet. Dans la petite bibliotheque,
ecrasee de livres et assombrie par un ciel d'hiver, durant de longs
jours, nous meditames la biographie de nos saints, et ces bienveillants
amis touchaient notre ame ca et la pour nous faire voir combien elle est
interessante.
Dans cette etude de l'_Intelligence souffrante_, je fortifiais mon desir
de l'_Intelligence triomphante_. Ainsi la passion de Jesus-Christ excite
le chretien a meriter les splendeurs et la felicite du paradis.
Aimable vie abstraite de Saint-Germain! Degage des necessites de
l'action, fidele a mon regime de meditation et de solitude, assure au
soir, quand je me couchais, que nulle distraction ne me detournerait le
lendemain de mes vertus, protege contre les defaillances au point que
j'avais oublie le siecle, je passai les mois de novembre, decembre et
janvier avec les morts qui m'ont toujours plu. Et je m'attachai
specialement a quelques-uns qui, au detour d'un feuillet, me
bouleversent et me conduisent soudain, par un frisson, a des coins
nouveaux de mon ame.
Des figures livresques peu a peu vecurent pour moi avec une incroyable
energie. Quand une trop heureuse sante ne m'appesantit pas, Benjamin
Constant, le Sainte-Beuve de 1835, et d'autres me sont presents, avec
une realite dans le detail que n'eurent jamais pour moi les vivants, si
confus et si furtifs. C'est que ces illustres esprits, au moins tels que
je les frequente, sont des fragments de moi-meme. De la cette ardente
sympathie qu'ils m'inspirent. So
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