d'une douceur infinie; en realite il ne se
laissait pas aborder.
O mon ami, de qui je tais le nom, aupres de votre delicatesse j'etais
maladroit et confus; aussi n'avez-vous pas compris combien je vous
comprenais; peut-etre vous n'avez pas joui des seductions qu'exercait
sur mon esprit avide l'abondance de vos richesses. Vous me faisiez
souffrir quand vous preniez si peu souci d'embellir mes jeunes annees
qui vous ecoutaient, et pare d'un flottant desir de plaire, vous n'etiez
preoccupe que de vous paraitre ingenieux a vous-meme. Or, cedant a
l'attrait de reproduire la seduisante image que vous m'apparaissiez, je
negligeai la puissance de detester et de souffrir qui sourd en moi. Vous
captiviez mon ame, sans daigner meme savoir qu'elle est charmante, et
vous l'entrainiez a votre suite en lui lancant par-dessus votre epaule
des paroles flatteuses denuees d'a-propos.
Celui que je rencontrai ensuite etait amer et dedaigneux, mais son
esprit, ardent et desinteresse. Je le vis orgueilleux de son vrai moi
jusqu'a s'humilier devant tous, pour que du moins il ne fut jamais
traite en egal. Je l'adorais, mais, malades l'un et l'autre, nous ne
pumes nous supporter, car chacun de nous souffrait avec acuite d'avoir
dans l'autre un temoin. Aussi avons-nous prefere--du moins tel fut mon
sentiment, car je ne veux meme plus imaginer ce qu'il pensait--oublier
que nous nous connaissions et si, rusant avec la vie, je fis parfois des
concessions, je n'avais plus a m'en impatienter que devant moi-meme.
O solitude, toi seule ne m'as pas avili; tu me feras des loisirs pour
que j'avance dans la voie des parfaits, et tu m'enseigneras le secret de
vetir a volonte des convictions diverses, pour quoi je sois l'image la
plus complete possible de l'univers. Solitude, ton sein vigoureux et
morne, deja j'ai pu l'adorer; mais j'ai manque de discipline, et ton
etreinte m'avait grise. Ne veux-tu pas m'enseigner a prier
methodiquement?
* * * * *
Simon m'a dit dans la suite que j'avais excellemment parle. Mon emotion
l'enleva. Nous connumes, ce soir-la, une ardente bonte envers mille
indices de beaute qui soupirent en nous et que la grossierete de la vie
ne laisse pas aboutir. J'aspirais a souffrir et a frapper mon corps,
parce que son epaisse indolence opprime mes jolies delicatesses. Comme
je me connais impressionnable, je m'en abstins, et pourtant je n'eusse
ressenti aucune douleur, mais seulement l'apre plaisir d
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