ut comme."
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_Meditation_
Au courant de cette neuvaine que nous faisons en l'honneur de Benjamin
Constant, et a propos d'une controverse culinaire un peu trop prolongee
que nous eumes sur un gibier, une remarque m'est venue. J'aime beaucoup
Simon pour tout ce que nous meprisons en commun, mais il me blesse par
l'inegale importance que nous pretons a diverses attitudes de la vie.
Certes, je me forme des idees claires de mes exaltations, et tout ce
cabotinage superieur, je le meprise comme je meprise toutes choses, mais
je l'adore. Je me plais a avoir un caractere passionne, et a manquer de
bon sens le plus souvent que je peux.
Mon ami, sans doute, n'a pas de gout pour le bon sens, sinon pourrais-je
le frequenter? Mais les soins dont j'entoure la culture de ma boheme
morale, c'est a sa tenue, a son confort, a son dandysme exterieur qu'il
les prodigue. Vous ne sauriez croire quel orgueil il met a trancher dans
les questions de venerie!--He! direz-vous, que fait-il alors dans cette
retraite?--En verite, je soupconne parfois qu'avec plus de fortune il ne
serait pas ici.
Ces petites reflexions ou, pour la premiere fois, je me differenciais de
Simon, je ne les lui communiquai pas. Pourquoi le desobliger?
Benjamin Constant l'a vu avec amertume. Deux etres ne peuvent pas se
connaitre. Le langage ayant ete fait pour l'usage quotidien ne sait
exprimer que des etats grossiers; tout le vague, tout ce qui est sincere
n'a pas de mot pour s'exprimer. L'instant approche ou je cesserai de
lutter contre cette insuffisance; je ne me plairai plus a presenter mon
ame a mes amis, meme a souper.
J'entrevois la possibilite d'etre las de moi-meme autant que des autres.
Mais quoi! m'abandonner! je renierais mon service, je delaisserais le
culte que je me dois! Il faut que je veuille et que je me tienne en main
pour penetrer au jour prochain dans un univers que je vais delimiter,
approprier et illuminer, et qui sera le cirque joyeux ou je
m'apparaitrai, dresse en haute ecole.
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_Colloque_
--Benjamin Constant, mon maitre, mon ami, qui peux me fortifier, ai-je
regle ma vie selon qu'il convenait?
--Les affaires publiques dans un grand centre, ou la solitude: voila les
vies convenables. Le frottement et les douleurs sans but de la societe
sont insupportables.
--Tu le vois, je m'enferme dans la meditation; mais on ne m'a pas offert
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