ent
endormie, mais de trop bon sens, hesitait a affirmer sa personnalite. Sa
finesse, son sentiment exagere du ridicule l'entraverent toujours.
Chaque generation reniait la precedente, sacrifiait les oeuvres de la
veille a la mode de l'etranger. Leur "Chapelle Ronde", monument national
s'il en fut, copie la Chapelle des Medicis de Florence, mais avec
maigreur, economie. Le Lorrain n'a pas d'abondance dans l'invention, et
ne fut jamais prodigue. Les successeurs de Rene, ayant visite les palais
de la Renaissance, rebatirent le palais ducal. Cette race a son eveil
craint de se confesser; peu de pierres ici qui puissent nous conter les
origines de nos ames.
Pourtant une vierge de Mansuy Gauvain, dans l'eglise de Bon-Secours, est
tout a fait significative. Voila nos primitifs! Nous nous agenouillons
devant une Mere, et dans son manteau entr'ouvert tout un peuple se
precipite. Ces enfants me touchent, si intrepides contre le Bourguignon
et qui expriment leur reve par cette image sincere, je vois qu'ils ont
beaucoup souffert. Ils concoivent la divinite non sous la forme de
beaute, mais dans l'idee de protection. Florence, leur soeur, et qui
donne parfois l'image la plus approchante de cet ideal de clarte froide,
d'elegance seche, que les meilleurs Lorrains entrevoyaient, Florence
prend les loisirs d'embellir l'univers. Ceux-ci, dans la necessite de
sauver d'abord leur independance, mettent leur orgueil, leur art
naissant, toutes leurs ressources dans des remparts.
Cernes d'etrangers qui les inquietent, sous l'oeil des barbares, ils
n'ont pas le loisir de se developper logiquement. La grace, qui pour un
rien eut apparu, presque melancolique, dans le petit prince Rene II,
n'aboutit pas en Lorraine. Ils n'ont pas cree un type de femme: Jeanne
d'Arc, que d'autres peuples eussent voulu honorer en lui pretant les
charmes des grandes amoureuses, demeure, dans la legende lorraine, celle
qui protege, et cela uniquement. Elle est la soeur de genie de Rene II;
perseverante, simple, tres bonne et un peu matoise. Celle de qui
l'Espagne et l'Italie fussent devenues amoureuses, est ici une vierge
nullement troublante: nos peres affirment que Jeanne ignora toujours les
miseres physiques de la femme. Cette legende de Lorraine n'est-elle pas
plus belle, selon le penseur, que les tendres soupirs du Tasse! Voila
bien le meme sentiment qui fit agenouiller ce peuple devant la mere
gigogne de Mansuy Gauvin, devant la vierge de Bon-Secours. Et moi
|