plaisir aux bons tours
de l'extraordinaire Charles IV.
Etrange fou, que produisit ce pays raisonnable dans les violentes
convulsions de son agonie! Il semble que Charles IV ait gache en une vie
toute l'energie qui, depensee sagement dans une suite d'hommes, eut ete
feconde en grandes choses. C'est le va-tout d'une situation desesperee,
d'une race qui sent l'avenir lui manquer. En Charles IV, il y a
plethore, qualites lorraines a trop haute pression, mais il ne contredit
pas les caracteres de sa race.
Ce merveilleux aventurier, avec les tresses blondes de ses cheveux
pendants et ses souples voltiges d'ecuyer devant les femmes de Louis
XIII, etait sagace, pratique, d'eloquence simple, et pas chevaleresque
le moins du monde. Il avait le don de plaire a tous, mais se gardait de
tous. Ce fantasque, ce railleur qui ne sut meme pas s'epargner dans ses
bons contes, ce perpetuel irresolu desirait violemment, et souvent il
demeura ferme dans son sentiment. C'est, au resume, un Lorrain des
premiers temps, mais avec toute la fievre inquiete d'un peuple qui va
mourir.
Charles IV ne nous montre qu'un trait nouveau, le desir de paraitre;
c'est qu'il avait ete eleve a la cour de France, et que les
circonstances le forcerent toute sa vie a vivre parmi les etrangers; or
nous avons vu le caractere, l'art lorrains, toujours craintifs de
paraitre ridicules, prendre l'air a la mode. Par-dessous sa brillante
chevalerie, c'etait essentiellement un capitaine brave et gouailleur,
sachant plaire sans effort aux hommes simples, l'un d'eux vraiment,
comme on le vit bien, apres cette fleur de jeunesse a la francaise, dans
sa tenue de vie et dans ses projets de mariage qui scandaliserent si
fort Paris et Versailles, sans qu'il s'emut le moins du monde. Le
malheur l'avait remis dans la logique de sa race.
C'est du haut de Sion, pelerinage jadis fameux, aujourd'hui attriste de
mediocrite, que, moins distraits par le detail, nous prenons une
possession complete de la grandeur et de la decadence lorraine. Devant
nous, cette province s'etend serieuse et sans grace, qui fut le pays le
plus peuple de l'Europe, qui fit pressentir une haute civilisation, qui
produisit une poignee de heros et qui ne se souvient meme plus de ses
forteresses ni de son genie. Des le siecle dernier, cette brave
population dut accepter de toute part les etrangers qu'elle avait
repousses tant qu'elle etait une race libre, une race se developpant
selon sa loi.
Du moins,
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