raine: Bagard n'y songe guere.... Et nous-memes,
Simon, il nous faut un effort pour la retrouver sous nos ames acquises.
Cette jeune femme, cette Francaise, c'est toute notre sensibilite a
fleur de peau, une floraison toute neuve, pour laquelle, comme Bagard,
comme la Lorraine entiere d'aujourd'hui, nous avons dedaigne de cultiver
le simple jardin sentimental herite de nos vieux parents.
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QUATRIEME JOURNEE
AGONIE DE LA LORRAINE
Ne quittons pas si vite un peuple qui voulait se developper. Nous savons
quels tatonnements, quelles miseres c'est de chercher sa loi. Des echecs
si nobles valent qu'on s'y interesse. Allons voir ces plaines de
Vezelize, tous ces champs de bataille sans gloire ou la Lorraine
s'epuisa. Quelques traits de ce peuple s'y conservent mieux que dans les
villes; car, a Nancy, vingt courants etrangers ont renverse, submerge
l'esprit autochtone.
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La campagne est plate, assez abondante, pas affinee, peut-etre maussade,
sans joie de vivre. Les physionomies n'ont pas de beaute; les petites
filles font voir une grimace vieillotte, malicieuse sans malveillance;
en rien cette race, d'ailleurs de grande ressource et saine, n'a pousse
au type. Par les apres-midi d'ete, on se reunit au "Quaroi" et les
femmes, travaillant dans l'ombre que decoupent les maisons, se donnent
le plaisir de ridiculiser.
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Quels souvenirs ont-ils gardes de jadis? Par les ecoles, les
inscriptions locales, ils savent une vague bataille de Nancy, ou Rene II
leur donna la vie; puis Stanislas, qui fut leur agonie. Mais dans le
peuple, c'est la tradition des Suedois qui domine; chaque ville en
raconte quelque horreur. Ils tuerent vraiment la Lorraine. Ils
saccagerent tout, Richelieu s'applaudissant. Meme les amis du duc
Charles IV estimerent sage de s'approprier les dernieres ressources de
ceux qu'ils ne pouvaient defendre. Cent cinquante mille bandits, aides
d'autant de femmes, pietinaient le pays dont la ruine se prolongea
jusqu'a la fin du siecle. Cependant la race lorraine affamee
s'entre-devorait. Il y avait dans les campagnes des pieges pour hommes,
comme on en met aux loups; des familles mangerent leurs enfants, et meme
des jeunes gens, leurs grands-parents. Toutefois ce pauvre peuple se
rejouissait a quelques petits deboires de ses ennemis, tels que des
evasions de prisonniers, et surtout prenait son
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