tions, en grand nombre. Nous nous attachions
surtout aux personnes fameuses qui eurent de la spiritualite.
Benjamin Constant, pour s'emouvoir, avait besoin de desirer le pouvoir
et l'amour; Sainte-Beuve ne fut lui que par ses disgraces aupres des
jeunes femmes; mais d'autres atteignent a toucher Dieu par le seul
effort de leur sensibilite, pour des motifs abstraits et sans
intervention du monde interieur. Ceux-la sont tout mon coeur.
Chers esprits excessifs, les plus merveilleux intercesseurs que nous
puissions trouver entre nous et notre confus ideal, pourquoi
confesserais-je le culte que je vous ai! Vous n'existez qu'en moi. Quel
rapport entre vos ames telles que je les possede et telles que les
depeignent vos meilleurs amis! Il n'est de succes au monde que pour
celui qui offre un point de contact a toute une serie d'esprits. Mais
cette conformite que vos vulgaires admirateurs proclament me repugne
profondement. Vous n'atteignez a me satisfaire qu'aux instants ou vous
dedaignez de donner aucune image de vous-meme aux autres, et quand vous
touchez enfin ce but supreme du haut dilettantisme, entrevu par l'un des
plus enerves d'entre vous: "Avant tout, etre un grand homme et un saint
pour soi-meme..." Pour soi-meme!... dernier mot de la vraie sincerite,
formule ennoblie de la haute culture du Moi qu'a Jersey nous nous
proposions.
* * * * *
Simon et moi, nous eumes le grand sens de ne pas discuter sur les
merites compares des saints. Encore qu'ils se contredisent souvent, je
les soigne et je les entretiens tous dans mon ame, car je sais que pour
Dieu il y a identite de toutes les emotions. Mais j'entrevois que ces
couches superposees de ma conscience, a qui je donne les noms d'hommes
fameux, ne sont pas tout mon Moi. Je suis agite parfois de sentiments
mal definis qui n'ont rien de commun avec les Benjamin Constant et les
Sainte-Beuve. Peut-etre ces intercesseurs ne valent-ils qu'a m'eclairer
les parties les plus recentes de moi-meme....
* * * * *
Il est certain que nos dernieres meditations avaient ete d'une grande
secheresse. Nous pressions une partie de nous-memes deja epuisee. Ce
n'etaient plus que redites dans la bibliotheque de Saint-Germain. Et, a
mesure que les livres cessaient de m'emouvoir, de cette eglise ou
j'entrais chaque jour, de ces tombes qui l'entourent et de cette lente
population peinant sur des labeurs hereditaires, des impressi
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