sur moi-meme.
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PREMIERE JOURNEE
NAISSANCE DE LA LORRAINE
A la station qui precede immediatement Nancy, au bourg de Saint-Nicolas,
nous sommes descendus du train, car il convient d'entrer dans l'histoire
de Lorraine par une visite a son patron. Dans son eglise flamboyante,
nous saluons Nicolas, debout pres de sa cuve et des petits enfants.
Cette malheureuse localite, qu'illustrent encore cette cathedrale et des
legendes, fut ruinee par des guerres confuses; elle etait riche et, pour
la piller, tous les partis se mirent quarante-huit heures d'accord. Le
noble eveque de Myre perdit sa domination. Il ne touche plus aujourd'hui
que les petits enfants; meme il prete un peu a rire comme un bonhomme
grossier. Le Lorrain, comme j'ai moi-meme coutume, honore mal le
souvenir de ses emotions passees; c'est bon au Breton de s'emouvoir
encore ou tremblaient ses peres. Mous rapetissons ce que nous touchons,
et nous nous plaisons a gouailler.
Cet hommage rendu au protecteur, nous primes une voiture pour assister
au premier jour de la Lorraine, et visiter les lieux ou cette nation
naquit, en se constituant patrie par un effort contre l'etranger. C'est
entre Saint-Nicolas et Nancy que Rene II, appuye des Suisses, tua le
Temeraire. Victoire de grande consequence, qui nous delivra des
etrangers et d'une civilisation que nous n'avions pas choisie! Secousse
de terreur, puis de joie, dans lequel ce pays s'accouche! Des lors il y
a un caractere lorrain.
Charles de Bourgogne, le Temeraire! Quelle magnifique aisance dans ses
allures bruyantes et romantiques! Aupres des grands crus de Bourgogne
qui mettent la confiance au coeur le plus hesitant, comment se tiendra
le petit vin de Moselle, de vin un peu plat, froid et dont la saveur
n'etonne pas tout d'abord, mais seduit un delicat reflechi! Comment Rene
II, faible prince qui parcourt en suppliant les rudes cantons suisses,
a-t-il pu triompher?
Dans la vie, frequemment, Simon et moi nous avons rencontre ces etres
tout brillantes, menant grand tapage, apoplectiques de confiance en soi;
nous ne les aimions guere et toujours les depassions. A l'usage, il
apparait qu'un Rene II, avec sa douceur un peu grise, n'est pas un
depourvu; il est reflechi, perseverant, et sa modestie le sert mieux que
forfanterie. Dans l'histoire, l'extreme simplicite de sa tenue passe
infiniment en elegance, du moins pour l'homme de gout, l'ostentation de
votre Temerai
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