a bien-aimee,
regarde le soleil, les fleurs, la verdure, le monde! Tu es aimee,
dis-toi cela, autant que Dieu peut etre aime par ses levites, par ses
amants, par ses martyrs. Je t'aime, o ma chair et mon sang! Je meurs
d'amour, d'un amour sans fin, sans nom, insense, desespere, perdu! Tu
es aimee, adoree, idolatree, jusqu'a en mourir! Eh non, je ne guerirai
pas! Eh non, je n'essayerai pas de vivre, et j'aime mieux cela; et
mourir en t'aimant, vaut mieux que de vivre. Je me soucie bien de ce
qu'ils en diront. Ils disent que tu as un autre amant, je le sais
bien, j'en meurs, mais j'aime, j'aime, j'aime! qu'ils m'empechent
d'aimer!
Vois-tu, lorsque je suis parti, je n'ai pas pu souffrir; il n'y avait
pas de place dans mon coeur. Je t'avais tenue dans mes bras, o mon
corps adore! Je t'avais pressee sur cette blessure cherie! Je suis
parti sans savoir ce que je faisais. Je ne sais si ma mere etait
triste; je crois que non. Je l'ai embrassee, je suis parti, je n'ai
rien dit. J'avais le souffle de tes levres sur les miennes, je le
respirais encore. Ah, George! tu as ete heureuse et tranquille la-bas,
tu n'as rien perdu. Mais sais-tu ce que c'est d'attendre un baiser
cinq mois? Sais-tu ce que c'est, pour un pauvre coeur qui a
senti pendant cinq mois, jour par jour, heure par heure, la vie
l'abandonner, le froid de la tombe descendre lentement dans la
solitude, la mort et t'oubli tomber goutte a goutte, comme la neige?
Sais-tu ce que c'est pour un coeur serre jusqu'a cesser de battre, de
se dilater un moment, de se rouvrir comme une pauvre fleur mourante,
et de boire encore une goutte de rosee vivifiante? Oh, mon Dieu! je le
sentais bien, je le savais, il ne fallait pas nous revoir. Maintenant
c'est fini. Je m'etais dit qu'il fallait revivre, qu'il fallait
prendre un autre amour, oublier le tien, avoir du courage. J'essayais,
je tentais du moins. Mais maintenant, ecoute, j'aime mieux ma
souffrance que la vie. Tu m'as permis de t'aimer, vois-tu. Tu te
retracterais que cela ne servirait a rien. Tu veux bien que je t'aime;
ton coeur le veut, tu ne diras pas le contraire; et moi je suis perdu,
vois-tu, je ne reponds plus de rien.
Qu'est-ce que je viens faire, dis-moi, la ou la? Qu'est-ce que cela
me fait tous ces arbres, toutes ces montagnes, tous ces Allemands qui
passent sans me comprendre, avec leur galimatias? Qu'est-ce que c'est
que cette chambre d'au
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