urrections humaines, que le Christ a laissee au pied
de sa croix. Jesus! Jesus! et moi aussi, je suis fils de ton Pere; je
te rendrai les baisers de ma fiancee; c'est toi qui me l'as envoyee, a
travers tant de dangers, tant de courses lointaines, qu'elle a courus
pour venir a moi. Je nous ferai, a elle et a moi, une tombe qui sera
toujours verte, et peut-etre les generations futures repeteront-elles
quelques-unes de nos paroles, peut-etre beniront-elles un jour
ceux qui auront frappe avec le myrte de l'amour aux portes de la
liberte[129].
[Note 129: L'epitre qu'on vient de lire a ete publiee par M.***
"Yorick", dans l'_Homme libre_ du 13 avril 1877. Paul de Musset,
parait-il, se refusait a y reconnaitre le style de son frere. Or,
Sainte-Beuve, qui avait eu l'original sous les yeux, en avait deja tire
une phrase: "Non, non, j'en jure par ma jeunesse..." pour etre placee
en epigraphe de la correspondance, quand on la publierait. Inutile
d'ajouter qu'elle figure dans la correspondance autographe--qui est en
possession de M. de Lovenjoul.]
Cette lettre etait trop resignee. Pour la premiere fois, le poete
considerait le prestige a venir d'un amour qui le meurtrissait encore.
Plus humble etait la plainte que lui dictaient jusque-la ses tourments.
Elle traduisait sa souffrance sans aucun souci d'art ni de gloire. Un
desir satisfait venait-il de lui rendre le repos et l'orgueil?... Helas!
il avait cette femme dans l'ame plus que dans la chair....
Il est parti pour Bade le 25 aout. Son voyage a dure six jours. A peine
installe, il mesure sa solitude, et tout le passe douloureux qui reflue
dans son coeur lui dicte ce poignant cri d'amour:
Baden, 1er septembre 1834.
Voila huit jours que je suis parti, et je ne t'ai pas encore ecrit.
J'attendais un moment de calme; il n'y en a plus. Je voulais t'ecrire
doucement, tranquillement, par une belle matinee, te remercier de
l'adieu que tu m'as envoye. Il est si bon, si triste, si doux, ma
chere amie: tu as un coeur d'ange. Je voulais te parler seulement de
mon amour. Ah! George, quel amour! jamais homme n'a aime comme je
t'aime! je suis perdu, vois-tu, je suis noye, inonde d'amour; je ne
sais plus si je vis, si je mange, si je marche, si je respire, si je
parle; je sais que j'aime. Ah! si tu as eu toute la vie une soif de
bonheur inextinguible, si c'est un bonheur d'etre aimee, si tu l'as
jamais demande au Ciel, oh toi, ma vie, mon bien, m
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