tre qu'il prend
du style et de la couleur; c'est vers ses limites avec la Marche qu'il
devient pittoresque et vraiment beau.
En remontant l'Indre jusque vers les hauteurs ou il cache sa source, on
arrive a Sainte-Severe, ancienne ville batie en precipice sur le versant
rapide au fond duquel coule la riviere. Jusqu'a nos jours, il etait
presque courageux de descendre la rue principale et de traverser le gue.
A present, routes et ponts se hatent de rendre la circulation facile et
sure aux sybarites de la nouvelle generation. Sainte-Severe est illustre
dans les annales du Berry et dans celles de la France; c'est la derniere
place de guerre qui fut arrachee aux Anglais sur notre ancien sol. Ils y
soutinrent un assaut terrible, ou le brave Duguesclin, _aide de ses bons
hommes d'armes et des rudes gars de l'endroit_ les battit en breche avec
fureur. Ils furent forces promptement de se rendre et d'evacuer la
forteresse, qui eleve encore ses ruines formidables et le squelette de
sa grande tour sur un roc escarpe. Nous l'avons vue entiere et fendue de
haut en bas par une grande lezarde garnie de lierre; monument glorieux
pour le pays, et superbe pour les peintres. Mais, durant
l'avant-dernier hiver, la moitie de la tour fendue s'ecroula tout a coup
avec un fracas epouvantable, qui fut entendu a plusieurs lieues de
distance. Telle qu'elle est maintenant, cette moitie de tour est encore
belle et menacante pour l'imagination; mais, comme elle est trop
menacante en realite pour les habitations voisines, et surtout pour le
nouveau chateau bati au pied, il est probable qu'avant peu, soit par la
main des hommes, soit par celle du temps, elle aura entierement disparu.
On a longtemps conserve dans l'eglise de Sainte-Severe le dernier
etendard arrache aux Anglais. Nous ignorons s'il y est encore; on nous a
dit qu'il etait conserve au chateau par M. le comte de Vilaines, dont le
nouveau parc, jete en pente abrupte sur le flanc du ravin, est une
promenade admirable. Non loin de Sainte-Severe, on entre, par Boussac,
dans le departement de la Creuse. Mais, jusqu'a Roul-Sainte-Croix,
quatre lieues au dela; sur l'arete elevee des collines qui forment comme
une limite naturelle aux deux provinces du Berry et de la Marche, on
foule encore l'ancien sol _berruyer_. Les paysans parlent presque tous
la langue d'_oc_ et la langue d'_oil_, et, dans sa sauvagerie marchoise,
la campagne conserve encore quelque chose de la naivete berrichonne.
Boussac
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