a votre,
et elle ne serait pas sauvee! Ce dogme catholique vous tue, et, si je
vous dis qu'il faut en sortir, vous n'aurez peut-etre plus ni amitie
pour moi, ni confiance. Pourtant, c'est ma conviction, le dogme de
l'enfer est une monstruosite, une imposture et une barbarie. Dieu, qui
nous a trace la loi du progres et qui nous y pousse malgre nous, nous
defend aujourd'hui de croire a la damnation eternelle; c'est une impiete
que de douter de sa misericorde infinie et de croire qu'il ne pardonne
pas _toujours_, meme aux plus grands coupables.
Je vous croyais autrefois heureuse par la foi catholique, et les
croyances douces et tranquilles dans les belles ames me paraissent si
sacrees, que je vous disais: "Allez a tel pretre, ou a tel philosophe
chretien, ou a tel ami qui vous semblera propre a vous rendre l'ancienne
serenite ou vos nobles sentiments ont pris naissance et force."
Mais voila que le doute est entre en vous, et que la voix du pretre vous
jette dans une sorte de vertige. Quittez le pretre et allez a Dieu, qui
vous appelle, et qui juge apparemment que votre ame est assez eclairee
pour ne pouvoir plus supporter un intermediaire sujet a erreur.
Ou, si l'habitude, la convenance, le besoin des formules consacrees vous
lient a la pratique du culte, portez-y donc cet esprit de confiance, de
liberte et de veritable foi qui est en vous. Preservez-vous de cette
idee fixe qui vous ronge et qui vous eloigne de Dieu. Dieu ne veut pas
qu'on doute de soi-meme, car c'est douter de lui. Votre pauvre Agathe
etait bien touchante et vous avez ete son ange gardien. Pour cela seul,
vous avez merite que Dieu vous aime particulierement et vous retire
de vos doutes; mais il faut aider a la grace, et c'est ce que vous
ne faites pas quand vous laissez ces fantasmagories de neant et de
perdition vous envahir. C'est cela qui est coupable, et non pas les
actions de votre vie ni les elans de votre coeur.
Je vous disais, il y a quelques annees: _Allez a Paris!_ mais Paris est
devenu un gouffre de luxe et de vie factice, et vous avez laisse passer
du temps. Chaque annee, a nos ages, rend plus penible le changement de
regime et d'habitudes. Seulement vous devriez aller a Paris de temps en
temps, ne fut-ce que quelques jours chaque annee. Vous aimez les arts,
la musique, tout cela vous serait bon et dissiperait ces vapeurs que la
vie monotone engendre fatalement. C'est de la distraction et l'oubli de
vous-meme qu'il vous faut.
Croyez
|