n, de Josue, d'Hector et de Judas Macchabee. Ces huit
preux, d'ages et de pays divers, mais tous de bonne maison et bons
chevaliers, portent le meme costume, qui est le costume des hommes
d'armes du commencement du XVe siecle.
Ils ressemblent, dans leur encadrement de feuilles de houx, aux figures
d'un vieux jeu de cartes. Le maitre imagier qui les tailla n'avait pas
le moindre souci de la couleur locale. Il ne fit point difficulte
d'habiller Hector de Troie comme Godefroy de Bouillon, et Godefroy de
Bouillon comme le duc Louis d'Orleans. En ce temps-la, M. le docteur
Schliemann ne recherchait point dans la plaine ou fut Troie les armes
des cinquante fils de Priam. On n'etait point archeologue et on ne se
cassait point la tete a decouvrir comment vivaient les hommes
d'autrefois. Ce souci est propre a notre siecle. Nous voulons montrer
Hector en knemides et donner a tous les personnages de la legende et de
l'histoire leur vrai caractere.
L'ambition, sans doute, est grande et genereuse. Je l'ai moi-meme
ressentie apres les maitres. Et aujourd'hui encore j'admire infiniment
les talents puissants qui s'efforcent de ressusciter le passe dans la
poesie et dans l'art. On pourrait se demander, toutefois, s'il est
possible de reussir completement dans une telle tentative et si notre
connaissance du passe est suffisante a le faire renaitre avec ses
formes, sa couleur, sa vie propres. J'en doute. On dit que nous avons,
au XIXe siecle, un sens historique tres developpe. Je le veux bien. Mais
enfin, c'est notre sens a nous. Les hommes qui nous suivront n'auront
pas ce sens-la; ils en auront un meilleur ou un pire, je ne sais, et ce
n'est pas la la question. Ce qui est certain, c'est qu'ils en auront un
autre. Ils verront le passe autrement, et ils croiront infailliblement
le voir mieux que nous. Aussi nos restitutions en poesie et en peinture
leur causeront tres probablement plus de surprise que d'admiration. Le
genre vieillit vite.
Un jour, un grand philologue, passant avec moi devant l'eglise
Notre-Dame de Paris, me montra les figures des rois qui ornent la facade
principale.
"Ces vieux imagiers, me dit-il, ont voulu faire les rois de Juda; ils
ont fait des rois du XIIIe siecle, et c'est par la qu'ils nous
interessent. On ne peint bien que soi et les siens."
Ainsi les imagiers de Pierrefonds. Artus, que voici, etait un loyal
chevalier. Se sentant mourir, il ne voulut pas que son invincible epee
put tomber en des mains i
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