amsa me parut assez interessante. Je la
communiquai a la femme d'un des mes confreres de l'Institut, la belle
Mme ***. Comme elle ne paraissait pas s'en emouvoir beaucoup, je la
pressai d'y repondre et crus l'embarrasser en lui disant: "Enfin,
Madame, pourquoi, comme le remarque mon Arabe, parfumez-vous vos epaules
nues, pourquoi vous chargez-vous d'or et de pierreries et pourquoi
dansez-vous?" Elle me regarda avec pitie: "Pourquoi? Parce que j'ai deux
filles a marier."
***
Si l'homme depend de la nature, elle depend de lui. Elle l'a fait; il la
refait. Incessamment il petrit a nouveau son antique creatrice et lui
donne une figure qu'elle n'avait pas avant lui.
***
ARISTE, POLYPHILE ET DRYAS
POLYPHILE
Comment pouvez-vous dire, Ariste, que l'intelligence est essentielle a
l'homme? Elle ne l'est point. L'intelligence, au degre superieur de son
developpement actuel, c'est-a-dire la faculte de concevoir quelques
rapports fixes dans la diversite des phenomenes, est rare et precaire
chez les animaux de notre espece. Ce n'est point par elle que l'homme
subsiste. Elle ne regle pas les fonctions de la vie organique; elle ne
satisfait point la faim ni l'amour; elle n'intervient point dans la
circulation du sang. Etrangere a la nature, elle est indifferente a la
morale quand elle ne lui est pas hostile. Elle n'a point determine les
instincts profonds des etres, les sentiments unanimes des peuples, les
moeurs, les usages. Elle n'a point institue la religion sainte ni les
lois augustes, qui se formerent, dans une antiquite solennelle, sur
l'exercice en commun des fonctions de la vie elementaire. Ce que j'en
dis n'est point pour rabaisser la majeste des institutions divines et
humaines: vous m'entendez bien. La splendeur touchante des cultes est
composee du debris informe des pharmacies primitives; les theologies ont
pour origine l'inintelligence venerable et l'effarement sacre de nos
ancetres sauvages devant le spectacle de l'univers. Les lois ne sont que
l'administration des instincts. Elles se trouvent soumises aux habitudes
qu'elles pretendent soumettre; c'est ce qui les rend supportables a la
communaute. On les appelait autrefois des coutumes. Le fonds en est
extremement ancien. L'intelligence a commence de poindre dans les
esprits quand l'homme avait deja construit sa foi, ses moeurs, ses
amours et ses haines, son imperieuse idee du bien et du mal. Elle est
d'hier. Elle date des Grecs, des Egyptiens, si vous voule
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