ole et d'archeologie. Apres cela, je vous accorderai,
Polyphile, que l'aptitude de nos semblables a la divagation est grande
et que la faculte d'errer est celle que l'homme exerce avec le plus de
puissance.
DRYAS
Cela tient a ce que nous ne faisons que d'entrer dans la periode
positive.
POLYPHILE
A tout le moins, vous reconnaissez avec moi que les croyances, la morale
et les lois ne derivent point d'une interpretation rationnelle des
phenomenes de la nature, qu'une libre intelligence de ces phenomenes
affaiblit les prejuges necessaires, et que la faculte de beaucoup
connaitre est une monstruosite funeste.
DRYAS
Cela n'est pas bien vrai.
POLYPHILE
Cela est si vrai, que les theologiens qui concoivent Dieu comme un etre
souverainement intelligent ne peuvent admettre qu'il soit moral. Aussi
bien l'idee d'un Dieu moral est-elle ridicule.
DRYAS
La morale a ete jusqu'ici constituee sur les idees theologiques. Nous
avons eu une morale fetichiste, une morale polytheiste et une morale
monotheiste. Cette derniere fut dure. Le temps est venu de constituer la
morale sur la science.
POLYPHILE
Je ne vous reprocherai point d'opposer les sciences aux religions. Mais,
s'il y faut regarder de pres, Dryas, que sont les religions, je vous
prie, que sont-elles, sinon de tres vieilles sciences, des astrologies,
des arithmetiques, des meteorologies, des medecines usees, deformees,
obscurcies, des ordonnances de tres antique et tres lointaine police,
des recettes brouillees de cuisine et d'hygiene, des maximes
d'agriculture primitive et de civilite sauvage? Les notions positives et
les pratiques rationnelles deviennent, avec l'age qui les rend etranges
et mysterieuses, les dogmes de la foi et les ceremonies du culte.
Notre science produira aussi des superstitions. On n'en sortira pas.
L'intelligence est en horreur a la nature humaine. Des religions
naissent sous nos yeux. Le spiritisme elabore en ce moment ses dogmes et
sa morale. Il a ses pratiques, ses conciles, ses peres et des millions
d'adherents. Or les spirites fondent leur croyance sur la chimie telle
qu'elle a ete creee par Lavoisier; ils se flattent d'avoir les idees les
plus neuves sur la constitution de la matiere. Ils pretendent posseder
une bonne, une excellente physique. "C'est nous les savants!"
s'ecrient-ils. Comme le disait Ariste: "On tire les consequences les
plus fausses des principes les plus vrais."
ARISTE
Je m'apercois, Polyphile, qu
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