er le sort et maudire la cherte de toutes choses. La veille
encore, il se declarait ruine par l'achat d'une paire de souliers pour
Maxence. Et le changement etait si soudain et si grand que c'etait a
ne savoir que croire et a se demander si le chagrin de se trouver sans
place ne lui troublait pas l'esprit.
--Voila bien les femmes! continua-t-il en ricanant. Le resultat les
eblouit, car elles ne comprennent rien aux moyens employes pour
l'atteindre. Suis-je donc un imbecile? M'imposerais-je des privations
de toutes sortes, si cela devait n'aboutir a rien? Parbleu! j'aime le
luxe, moi aussi, et les bons diners au restaurant; et les spectacles
et les parties fines a la campagne. Mais je veux etre riche. Du prix
de toutes les jouissances que je ne me suis pas donnees, je me suis
fait un capital dont le revenu nous fera manger tous. Eh! eh! voila la
puissance du petit sou qu'on met a l'engrais!...
En se couchant ce soir-la, Mme Favoral etait plus gaie qu'elle ne
l'avait ete depuis la mort de sa mere. Elle n'en voulait presque plus
a son mari de sa sordide lesine. Elle lui pardonnait les humiliations
dont il l'avait abreuvee. Elle se disait:
--Eh bien! soit. J'aurai vecu miserablement, j'aurai endure des
souffrances sans nom, mais du moins mes enfants seront riches, la vie
leur sera douce et facile.
Le lendemain, l'exaltation de M. Favoral etait completement dissipee.
Manifestement, il regrettait ses confidences.
--On aurait tort de s'en prevaloir pour tout mettre au pillage,
declara-il rudement. D'ailleurs, j'ai beaucoup exagere.
Et il partit en quete d'une place.
En trouver une lui devait etre difficile. Les lendemains de revolution
ne sont pas precisement propices a l'industrie. Pendant que les partis
s'agitaient a la Chambre, il y avait sur le pave vingt mille employes
qui, chaque matin, en se levant, se demandaient ou ils dineraient le
soir.
Faute de mieux, Vincent Favoral accepta de tenir les livres de droite
et de gauche, une heure de ci, une heure de la, deux fois par semaine
dans une maison, quatre fois dans une autre.
Il y gagnait autant et plus qu'a sa fabrique, mais le metier ne lui
convenait pas. Ce qu'il fallait a son temperament, c'etait le bureau
d'ou l'on ne bouge pas, l'atmosphere alourdie par le poele, le pupitre
use par les coudes, le fauteuil a rond de cuir, la manchette de
lustrine qu'on passe sur l'habit. Cela le revoltait, d'avoir, dans la
meme journee, affaire en quatre ou cinq mai
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