vait pas
vingt ans, et ou on l'appelait la belle Mme Favoral.
Peut-etre eut-elle succombe, lorsqu'elle s'apercut qu'elle etait
enceinte. Un an, jour pour jour, apres son mariage, elle accoucha d'un
fils qui recut le nom de Maxence.
L'arrivee de ce fils n'avait que mediocrement rejoui le comptable.
C'etait, avant tout, un sujet de depenses. Il lui avait fallu donner
une trentaine de francs a une sage-femme et debourser pres du double
pour la layette. Puis un enfant desorganise toutes les habitudes, et
il tenait aux siennes, affirmait-il, plus qu'a la vie. Il voyait
son menage trouble, l'heure de ses repas derangee, son importance
diminuee, son autorite meme meconnue.
Mais qu'importait a sa jeune femme la mauvaise humeur qu'il ne prenait
pas la peine de dissimuler? Mere, elle defiait son tyran.
Maintenant, du moins, elle avait dans ce monde un etre sur lequel
reporter toutes ses tendresses brutalement refoulees. Il etait une ame
ou elle regnait. Quelle avanie n'eut pas effacee un sourire de son
fils?
Avec l'admirable instinct des egoistes, M. Favoral comprit si bien
ce qui se passait dans l'esprit de sa femme, qu'il n'osa pas trop
se plaindre de ce que coutait le petit garcon. Il prit son parti en
brave. Et meme, lorsque, quatre ans plus tard, une fille, Gilberte,
lui naquit, au lieu de gemir:
--Bast! dit-il, le bon Dieu benit les grandes familles.
VI
Mais a cette epoque, deja, la situation de Vincent Favoral s'etait
singulierement modifiee.
La revolution de 1848 venait d'eclater. La fabrique du faubourg
Saint-Antoine, ou il etait employe, fut obligee de fermer ses portes.
Un soir, en rentrant pour diner a l'heure accoutumee, il annonca qu'il
venait d'etre congedie.
Mme Favoral fremit a l'idee des deboires que cette funeste nouvelle
semblait lui presager.
--Qu'allons-nous devenir? murmura-t-elle, imaginant ce que pourrait
etre son mari, prive de ses appointements et desoeuvre.
Il haussa les epaules. Visiblement il etait excite, ses pommettes
etaient rouges, ses yeux brillaient.
--Bast! fit-il, nous ne mourrons pas de faim pour cela.
Et comme sa femme l'examinait toute ebahie.
--Quand tu me regarderas, poursuivit-il, c'est comme cela. Il y en a
qui se donnent le genre de vivre en rentiers, et qui n'ont pas ce que
nous possedons.
C'etait, depuis six ans passes qu'il etait marie, la premiere fois
qu'il parlait de ses affaires autrement que pour gemir et se plaindre,
pour accus
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