e de facon a produire
son maximum de rendement.
Si son oeil bleu s'animait, c'etait lorsqu'il calculait ce que serait
a l'heure actuelle le capital produit par un simple sou qu'on eut
place a cinq pour cent, l'annee de la naissance du Christ.
Pour lui, c'etait sublime. Il ne concevait rien au dela. Un sou!...
Il eut voulu, disait-il, vivre dix-huit cents ans, pour suivre les
evolutions de ce sou, pour le voir se doubler et se centupler,
produire, s'enfler, grossir, et devenir, apres des siecles, millions
et centaines de millions...
En depit de tout, il avait, dans les premiers mois de son mariage,
accorde a sa jeune femme une petite servante. Il lui donnait de
temps a autre une piece de cinq francs et la menait a la campagne le
dimanche.
C'etait la lune de miel, et ainsi qu'il le declara lui-meme, cette vie
de prodigalites ne pouvait pas durer.
Sous un futile pretexte, la petite bonne fut renvoyee. Il serra les
cordons de sa bourse. Les sorties furent supprimees.
A l'economie succeda l'apre lesine qui compte les grains de sel du
pot-au-feu, qui pese le savon du blanchissage, qui mesure la chandelle
de la veillee.
Insensiblement le comptable prit le pli de traiter sa jeune femme
comme une servante dont on suspecte la probite et comme un enfant dont
on craint l'etourderie. Chaque matin, il lui remettait l'argent de la
journee, et chaque soir il s'etonnait qu'elle n'en eut pas mieux
tire parti. Il l'accusait de se laisser betement voler, ou meme de
s'entendre avec les fournisseurs. Il lui reprochait d'etre follement
depensiere, ce qui ne le surprenait pas, ajoutait-il, de la fille d'un
homme qui avait dissipe une grosse fortune.
C'est que, pour comble, Vincent Favoral etait au plus mal avec son
beau-pere. Des vingt mille francs de la dot, douze mille seulement lui
avaient ete verses, et c'est inutilement qu'il reclamait le reste.
Les affaires du marchand de soieries etaient devenues detestables,
il allait etre force de deposer son bilan; les huit mille francs
semblaient serieusement compromis.
A sa femme seule il s'en prenait de cette deception. Il ne cessait
de lui dire qu'elle s'etait entendue avec son pere pour le duper, le
depouiller, le ruiner.
Quelle existence!... Certes, si la malheureuse eut su ou se refugier,
elle eut fui cet interieur ou chacun de ses jours n'etait qu'un long
supplice. Mais ou aller? A qui demander un asile?...
Elle eut de terribles tentations, a cette epoque ou elle n'a
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