avoral, jamais je
ne l'ai vu ainsi.
--Eh! repondit Maxence, la rupture de Costeclar fait sans doute
manquer quelque combinaison!
Mais cette explication ne le contentait pas plus qu'elle ne
satisfaisait sa mere. Lui aussi, il se sentait le coeur serre par
l'apprehension vague de quelque malheur. Mais lequel? Tous les
elements faisaient defaut a ses conjectures. Non plus que sa mere, il
ne savait rien des affaires du caissier du _Credit mutuel_, de ses
relations, de ses interets, de sa vie meme, hors de la maison.
Et la mere et le fils se perdaient en suppositions aussi vaines que
s'ils eussent cherche la solution d'un probleme sans en posseder les
termes.
D'un mot, Mlle Gilberte eut pu, croyait-elle, les eclairer.
A la surete du coup, a la foudroyante promptitude du resultat, elle
pensait reconnaitre Marius de Tregars.
Elle reconnaissait l'homme qui ne parle pas, qui agit.
Informe de ce qui se passait, il etait alle droit a M. Costeclar, et
de gre, ou de force, il lui avait arrache la promesse de se retirer
d'abord, puis le serment de garder le secret du motif de sa retraite.
Et l'orgueil de la jeune fille se delectait de cette victoire, de
cette preuve d'energie puissante de l'homme qu'a l'insu de tous elle
avait choisi. Elle se plaisait a se representer Marius de Tregars et
M. Costeclar en presence, l'un imperieux et hautain, autant qu'elle
l'avait vu tremblant et emu, l'autre plus humble encore qu'il n'etait
arrogant pres d'elle.
--Ce qui est sur, se repetait-elle, c'est que je suis sauvee!
Et elle eut voulu etre au lendemain, pour annoncer son bonheur au
tres-involontaire et tres-inconscient complice de Marius, le digne
maestro Gismondo Pulci.
Le lendemain, M. Favoral semblait avoir pris son parti de
l'ecroulement de ses projets, et le samedi suivant, c'est du ton de la
plaisanterie qu'il racontait que Mlle Gilberte l'emportait et qu'elle
avait trouve le moyen de congedier son amoureux.
Mais si on l'observait attentivement, on decouvrait en lui les
symptomes de soucis devorants. Des rides profondes se creusaient le
long de ses tempes, ses yeux se cernaient; une continuelle tension
d'esprit contractait ses traits. Souvent, pendant le diner, il
demeurait des minutes entieres immobile, la fourchette en l'air, puis
il murmurait:
--Comment cela va-t-il finir?
Parfois, le matin, avant son depart pour le bureau, M. Jottras, de la
maison Jottras et frere, et M. Saint-Pavin, le directeur du _P
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