e maitresses, et jouir de la vie.
Je vais vous ouvrir mon coeur, vous faire ma profession de foi: j'ai
pour regle de conduite de faire toujours ce qui me plait, en depit de
toute moralite, de toute convention sociale. Je ne crois a rien ni a
personne, je n'aime personne ni rien; je n'ai ni foi ni esperance.
J'ai mis vingt-sept ans a en venir la; si je suis tombe plus bas que la
moyenne des hommes j'etais aussi parti de plus haut.
Adieu, je vous embrasse.
LOTI.
XI
La mosquee d'Eyoub, situee au fond de la Corne d'or, fut construite sous
Mahomet II, sur l'emplacement du tombeau d'Eyoub, compagnon du prophete.
L'acces en est de tout temps interdit aux chretiens, et les abords memes
n'en sont pas surs pour eux.
Ce monument est bati en marbre blanc; il est place dans un lieu
solitaire, a la campagne, et entoure de cimetieres de tous cotes. On
voit a peine son dome et ses minarets sortant d'une epaisse verdure,
d'un massif de platanes gigantesques et de cypres seculaires.
Les chemins de ces cimetieres sont tres ombrages et sombres, dalles en
pierre ou en marbre, chemins creux pour la plupart. Ils sont bordes
d'edifices de marbre fort anciens, dont la blancheur, encore inalteree,
tranche sur les teintes noires des cypres.
Des centaines de tombes dorees et entourees de fleurs se pressent a
l'ombre de ces sentiers; ce sont des tombes de morts veneres, d'anciens
pachas, de grands dignitaires musulmans. Les cheik-ul-islam ont leurs
kiosques funeraires dans une de ces avenues tristes.
C'est dans la mosquee d'Eyoub que sont sacres les sultans.
XII
Le 6 septembre, a six heures du matin, j'ai pu penetrer dans la seconde
cour interieure de la mosquee d'Eyoub.
Le vieux monument etait vide et silencieux; deux derviches
m'accompagnaient, tout tremblants de l'audace de cette entreprise. Nous
marchions sans mot dire sur les dalles de marbre. La mosquee, a cette
heure matinale, etait d'une blancheur de neige; des centaines de pigeons
ramiers picoraient et voletaient dans les cours solitaires.
Les deux derviches, en robe de bure, souleverent la portiere de cuir qui
fermait le sanctuaire, et il me fut permis de plonger un regard dans ce
lieu venere, le plus saint de Stamboul, ou jamais chretien n'a pu porter
les yeux.
C'etait la veille du sacre du sultan Abd-ul-Hamid.
Je me souviens du jour ou le nouveau sultan vint en grande pompe prendre
possession du palais imperial. J'avais ete un des pr
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