t porter dehors avec ses
enfants. Apres quoi, Samuel, ayant soigneusement epoussete sa
couverture, fit mine de s'aller coucher.
Je ne devais point rentrer cette nuit-la. J'arrivai a l'improviste a
deux heures du matin.
Samuel avait ouvert toute grande la fenetre de sa chambre, et dispose
des cordes sur lesquelles il avait etendu ses couvertures, afin de les
purger par le grand air de tout effluve de chat. Lui-meme s'etait
installe dans mon lit, ou il dormait du sommeil des tetes jeunes et des
consciences pures. Pour lui, c'etait bien la son cas.
Le lendemain, nous apprimes que cette madame Kedi etait la bete adoree,
mais coureuse, d'un vieux juif du voisinage, repasseur de tarbouchs.
XXXI
C'etait Noel a la grecque; le vieux Phanar etait en fete.
Des bandes d'enfants promenaient des lanternes, des girandoles de
papier, de toutes les formes et de toutes les couleurs; ils frappaient a
toutes les portes, a tour de bras, et donnaient des serenades terribles,
avec accompagnement de tambour.
Achmet, qui passait avec moi, temoignait un grand mepris pour ces
rejouissances d'infideles.
Le vieux Phanar, meme au milieu de ce bruit, ne pouvait s'empecher
d'avoir l'air sinistre.
On voyait cependant s'ouvrir toutes les petites portes byzantines,
rongees de vetuste, et dans leurs embrasures massives apparaissaient des
jeunes filles, vetues comme des Parisiennes, qui jetaient aux musiciens
des piastres de cuivre.
Ce fut bien pis quand nous arrivames a Galata; jamais, dans aucun pays
du monde, il ne fut donne d'ouir un vacarme plus discordant, ni de
contempler un spectacle plus miserable.
C'etait un grouillement cosmopolite inimaginable, dans lequel dominait
en grande majorite l'element grec. L'immonde population grecque affluait
en masses compactes; il en sortait de toutes les ruelles de prostitution,
de tous les estaminets, de toutes les tavernes. Impossible de se figurer
tout ce qu'il y avait la d'hommes et de femmes ivres, tout ce qu'on y
entendait de braillements avines, de cris ecoeurants.
Et quelques bons musulmans s'y trouvaient aussi, venus pour rire
tranquillement aux depens des infideles, pour voir comment ces chretiens
du Levant sur le sort desquels on a attendri l'Europe, par de si
pathetiques discours, celebraient la naissance de leur prophete.
Tous ces hommes qui avaient si grande peur d'etre obliges d'aller se
battre comme des Turcs, depuis que la Constitution leur conferait le
titre
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