ie, qui s'est plonge dans cette reverie qui n'est pas la pensee,
qui est plus que la sensation, et qu'aucun mot n'exprime?
Qu'est-ce donc que le plaisir de voir passer des figures vulgaires sur
lesquelles sont peintes toutes les nuances de la sottise, des corps mal
proportionnes, emprisonnes dans des culottes ou des habits noirs, tout
cela grouillant sur des paves boueux, autour de murailles sales, de
boites a fenetre et de boutiques?
Votre imagination se resserre et la pensee se fige dans votre cerveau ...
Quelle impression causera sur vous la conversation de ceux qui vous
entourent, s'il n'y a pas harmonie entre vos pensees et celles qu'ils
expriment?
Si votre pensee s'elance dans l'espace et dans le temps; si elle
embrasse l'infinie simultaneite des faits qui se passent sur toute la
surface de la terre, qui n'est qu'une planete tournant autour du soleil,
--qui n'est lui-meme qu'un centre particulier au milieu de l'espace; si
vous songez que cet infini simultane n'est qu'un instant de l'eternite,
qui est un autre infini, que tout cela vous apparait differemment,
suivant le point de vue ou vous vous placez, et qu'il y en a une
infinite de points de vue; si vous songez que la raison de tout cela,
l'essence de toutes ces choses vous est inconnue, et si vous agitez dans
votre esprit ces eternels problemes, qu'est-ce que tout cela? que
suis-je moi-meme au milieu de cet infini?
Vous aurez bien des chances pour ne pas etre en communion intellectuelle
avec ceux qui vous entourent.
Leur conversation ne vous touchera guere plus que celle d'une araignee
qui vous raconterait qu'un plumeau devastateur lui a detruit une partie
de sa toile; ou que celle d'un crapaud qui vous annoncerait qu'il vient
d'heriter d'un gros tas de platras dans lequel il pourra giter tout a
l'aise. (Un monsieur me disait aujourd'hui qu'il avait fait de mauvaises
recoltes, et qu'il avait herite d'une maison de campagne.)
Vous avez ete amoureux, vous l'etes peut-etre encore; vous avez senti
qu'il existait un genre de vie tout special, un etat particulier de
votre etre a la faveur duquel tout prenait pour vous des aspects
entierement nouveaux.
Une sorte de revelation semble alors se faire; on dirait qu'on vient de
naitre une seconde fois, car des lors on vit davantage, on fonctionne
tout entier; tout ce qu'il y a en nous d'idees, de sentiments, se
reveille et s'avive comme la flamme du punch que l'on agite.
(Litterature de l'avenir!)
Bref,
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