, profonds saluts; on se retire a reculons, courbes
jusqu'a terre.
Le cafe est servi dans un grand salon donnant sur le Bosphore.
Des serviteurs a genoux vous allument des chibouks de deux metres de
long a bout d'ambre, enrichis de pierreries, et dont les fourneaux
reposent sur des plateaux d'argent.
Les _zarfs_ (pieds des tasses a cafe) sont d'argent cisele, entoures de
gros diamants tailles en rose, et d'une quantite de pierres precieuses.
XIII
En vain chercherait-on dans tout l'islam un epoux plus infortune que le
vieil Abeddin-Effendi. Toujours absent, ce vieillard, toujours en Asie;
et quatre femmes dont la plus agee a trente ans, quatre femmes qui, par
extraordinaire, s'entendent comme des larrons habiles, et se gardent
mutuellement le secret de leurs equipees.
Aziyade elle-meme n'est pas trop detestee, bien qu'elle soit de beaucoup
la plus jeune et la plus jolie, et ses ainees ne la vendent pas.
Elle est leur egale d'ailleurs, une ceremonie dont la portee m'echappe,
lui ayant donne, comme aux autres, le titre de _dame_ et d'_epouse_.
XIV
Je disais a Aziyade:
--Que fais-tu chez ton maitre? A quoi passez-vous vos longues journees
dans le harem?
--Moi? repondit-elle, je m'ennuie; je pense a toi, Loti; je regarde
ton portrait; je touche tes cheveux, ou je m'amuse avec divers petits
objets a toi, que j'emporte d'ici pour me faire societe la-bas.
Posseder les cheveux et le portrait de quelqu'un etait pour Aziyade une
chose tout a fait singuliere, a laquelle elle n'eut jamais songe sans
moi; c'etait une chose contraire a ses idees musulmanes, une innovation
de giaour, a laquelle elle trouvait un charme mele d'une certaine
frayeur.
Il avait fallu qu'elle m'aimat bien pour me permettre de prendre de ses
cheveux a elle; la pensee qu'elle pouvait subitement mourir, avant
qu'ils fussent repousses, et paraitre dans un autre monde avec une
grosse meche coupee tout ras par un infidele, cette pensee la faisait
fremir.
--Mais, lui dis-je encore, avant mon arrivee en Turquie, que
faisais-tu, Aziyade?
--Dans ce temps-la, Loti, j'etais presque une petite fille. Quand pour
la premiere fois je t'ai vu, il n'y avait pas dix lunes que j'etais dans
le harem d'Abeddin, et je ne m'ennuyais pas encore. Je me tenais dans
mon appartement, assise sur mon divan, a fumer des cigarettes, ou du
hachisch, a jouer aux cartes avec ma servante Emineh, ou a ecouter des
histoires tres droles du pays des
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