la barque de
Samuel; j'etais vetu a peine, les epaules seulement couvertes d'une
chemise d'Albanais en mousseline legere. Je cherchais ma veste doree;
elle etait restee dans la barque d'Aziyade. Un froid mortel glissait le
long de mes bras, et penetrait peu a peu toute ma poitrine. Une heure
encore avant le moment favorable pour rentrer a bord en evitant la
surveillance des hommes de garde! J'essayai de ramer; un sommeil
irresistible engourdissait mes bras. Alors je soulevai avec des
precautions infinies la couverture qui enveloppait Samuel, pour
m'etendre sans l'eveiller a cote de cet ami de hasard.
Et, sans en avoir eu conscience, en moins d'une seconde, nous nous
etions endormis tous deux de ce sommeil accablant contre lequel il n'y a
pas de resistance possible;--et la barque s'en alla en derive.
Une voix rauque et germanique nous eveilla au bout d'une heure; la voix
criait quelque chose en allemand dans le genre de ceci: " Ohe du canot!"
Nous etions tombes sur les cuirasses allemands, et nous nous eloignames
a force de rames; les fusils des hommes de garde nous tenaient en joue.
Il etait quatre heures; l'aube, incertaine encore, eclairait la masse
blanche de Salonique, les masses noires des navires de guerre; je
rentrai a bord comme un voleur, assez heureux pour etre inapercu.
XXII
La nuit d'apres (du 28 au 29), je revai que je quittais brusquement
Salonique et Aziyade. Nous voulions courir, Samuel et moi, dans le
sentier du village turc ou elle demeure, pour au moins lui dire adieu;
l'inertie des reves arretait notre course; l'heure passait et la
corvette larguait ses voiles.
--Je t'enverrai de ses cheveux, disait Samuel, toute une longue natte
de ses cheveux bruns.
Et nous cherchions toujours a courir.
Alors, on vint m'eveiller pour le quart; il etait minuit. Le timonier
alluma une bougie dans ma chambre: je vis briller les dorures et les
fleurs de soie de la tapisserie, et m'eveillai tout a fait.
Il plut par torrents cette nuit-la, et je fus trempe.
XXIII
Salonique, 29 juillet.
Je recois ce matin a dix heures cet ordre inattendu: quitter
brusquement ma corvette et Salonique: prendre passage demain sur le
paquebot de Constantinople, et rejoindre le stationnaire anglais le
_Deerhound_, qui se promene par la-bas, dans les eaux du Bosphore ou du
Danube.
Une bande de matelots vient d'envahir ma chambre; ils arrachent les
tentures et confectionnent les malles.
J'habitais
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