le se
sentait irrevocablement perdue. Mais la pauvre princesse, qui savait bien
que ses souffrances physiques et morales n'etaient que trop reelles,
souriait tristement lorsqu'on doutait de ses maux: "Il faudra que je meure
pour me justifier," disait-elle.
Bossuet en a fait la remarque dans l'oraison funebre de la reine
Marie-Therese: "Les ames innocente sont, elles aussi, les pleurs et les
amertumes de la penitence." La melancolie et la piete ne sont pas
incompatibles; il n'existe pas de ciel assez pur pour ne point avoir ses
nuages, et le Christ lui-meme a pleure.
Courte en duree, longue en souffrances, la vie de la dauphine fut couverte
d'un voile sombre. Cette jeune princesse, a qui la Providence paraissait
d'abord reserver les destinees les plus brillantes, devait mourir a
vingt-neuf ans, epuisee par le chagrin et consumee par une maladie de
langueur.
La terre, qui etait pour elle comme un exil, lui paraissait, d'ailleurs,
meriter peu de regrets.
Elle mourut "volontiers et avec calme", suivant les expressions de la
duchesse d'Orleans. Quelques heures avant de rendre le dernier soupir,
elle avait dit a cette princesse, sa compagne d'infortune: "Aujourd'hui,
je vous prouverai que je n'ai pas ete folle en me plaignant de mes
souffrances."
CHAPITRE VI
LE MARIAGE DE MME DE MAINTENON
"J'ai fait une etonnante fortune, mais ce n'est pas mon ouvrage. Je suis
ou vous me voyez sans l'avoir desire, sans l'avoir espere, sans l'avoir
prevu. Je ne le dis qu'a vous, car le monde ne le croirait pas."
Ainsi s'exprimait Mme de Maintenon dans un de ses entretiens avec les
demoiselles de Saint-Cyr. Les fictions de romans sont moins etranges que
les realites de la vie. En effet, quand Mme de Maintenon, agee de
cinquante ans, vit un roi de quarante-sept, et quel roi! lui offrir d'etre
son epoux, elle dut se croire le jouet d'un reve. On serait tente de
s'imaginer qu'elle ne fut la compagne que d'un souverain vieilli, ayant
deja perdu la plus grande partie de son prestige. Mais c'est absolument le
contraire.
L'annee ou Louis XIV epousa la veuve de Scarron fut l'apogee, le zenith de
l'astre royal. Jamais le soleil du Grand Roi n'avait ete plus imposant,
jamais sa fiere devise: _Nec pluribus impar_, n'avait ete plus
eblouissante. C'etait l'epoque ou, en face de ses ennemis immobiles, il
agrandissait et fortifiait les frontieres du royaume, conquerait
Strasbourg, bombardait Genes et Alger, achevait les construc
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