maris assez fous pour se
laisser ruiner par les habits de leurs femmes.
Deux jours apres son mariage, la duchesse voulut se montrer en habit de
ceremonie a ses amies de Saint-Cyr. Elle etait tout en blanc, et sa robe
avait une broderie d'argent si epaisse, qu'a peine pouvait-elle la porter.
La communaute recut la princesse en grande pompe, et la conduisit a
l'eglise, ou l'on chanta des hymnes.
En peu de temps, l'aimable princesse devint une femme seduisante entre
toutes et indispensable a la cour. Sans elle les fleurs seraient moins
belles, les prairies moins riantes, les eaux moins claires. Grace a son
charme seducteur, tout se ranime, dans ce palais qui ressemblait a un
fastueux couvent, tout s'eclaire des rayons d'un soleil printanier. Elle
aime sincerement Louis XIV. On n'approche pas sans emotion de cet homme
exceptionnel, pour qui l'on devrait inventer le mot prestige, si ce mot
n'existait pas, et qui est aussi affectueux, aussi bon, aussi affable
qu'il est majestueux et imposant. L'admiration que professe pour lui la
jeune princesse est sincere. Reconnaissante et flattee des bontes qu'il
lui temoigne, elle le venere comme le representant le plus glorieux du
droit divin, et tout en le venerant elle l'amuse. Elle lui saute au cou a
toute heure, se met sur ses genoux, le distrait par toutes sortes de
badinages, visite ses papiers, ouvre et lit ses lettres en sa presence.
C'est une succession continuelle de parties de plaisir et de fetes. Suivie
par un cortege de jeunes femmes, la princesse aime a monter en gondole sur
le grand canal du parc de Versailles, et a y rester plusieurs heures de la
nuit, parfois jusqu'au lever du soleil. Chasses, collations, comedies,
serenades, illuminations, promenades sur l'eau, feux d'artifice, on
organise chaque jour une nouvelle distraction.
Le roi le veut, il faut que la duchesse de Bourgogne se plaise dans cette
cour dont elle est l'ornement, l'esperance. Il faut qu'elle deride le
monarque lasse de plaisirs et de gloire. Il faut qu'elle soit le bon
genie, l'enchanteresse de Versailles. Il faut que, dans les glaces de la
grande galerie, se refletent ses toilettes splendides, ses parures
eblouissantes. Il faut qu'elle apparaisse dans les jardins comme une
Armide, dans les forets comme une nymphe, sur l'eau comme une sirene.
Dans la salle des gardes de la reine[1], on voit actuellement un portrait
en pied de la princesse. Elle est debout, habillee d'une robe de drap
d'argent, e
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