. Belle comme un ange et
plus seduisante que jamais, elle reconquit toute la faveur de Mme de
Maintenon, dont elle devint la compagne assidue, et resta au palais de
Versailles jusqu'a la mort de Louis XIV. Elle revint ensuite a Paris, ou
elle habita une petite maison contigue aux jardins du Luxembourg. Elle y
donnait a souper a des grands seigneurs, a des savants, et son salon etait
un centre intellectuel, ou les traditions du XVIIe siecle se perpetuaient
dans les premieres annees du XVIIIe. Ce fut la qu'elle mourut en 1729,
agee de cinquante-six ans.
Quelques mois avant, elle avait redige, sous le titre modeste de
_Souvenirs_, les courts et spirituels memoires qui rendront son nom
immortel. Ses amis, sous le charme de son esprit si vif, la suppliaient
depuis longtemps d'ecrire pour eux, non pas pour le public, les anecdotes
qu'elle contait si bien. Elle finit par ceder a leur priere et jeta sur le
papier quelques recits, quelques portraits. Quel bijou que ces
_Souvenirs_, ecrits au courant de la plume, sans pretention, sans dates,
sans ordre chronologique, et ou, depuis un siecle, tous les historiens ont
puise[1]! Que de choses dans ce petit livre, qui apprend plus en quelques
lignes que d'interminables volumes! Comme il est feminin et comme il est
francais! Le gout de Voltaire pour ces charmants _Souvenirs_ se comprend
sans peine. Qui, mieux que Mme de Caylus, appliqua le fameux precepte:
"Glissez, mortels, n'appuyez pas!"
[Note 1: Restes manuscrits bien longtemps apres sa mort, les _Souvenirs de
Mme de Caylus_, qui sont inacheves, furent imprimes pour la premiere fois
en 1770, a Amsterdam, avec une preface et des notes attribuees a
Voltaire.]
Elle etait de la race de ces ecrivains spontanes, qui font de l'art sans
le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose, et ne se doutent pas
eux-memes qu'ils ont la premiere qualite du style: le naturel.
Que d'esprit de bon aloi! que d'esprit argent comptant! Quelle bonne
humeur! quelle simplicite! Quel aimable abandon! Quelle jolie serie de
portraits, tous plus vivants, plus animes, plus ressemblants les uns que
les autres!
IX
MME DE MAINTENON ET LES DEMOISELLES DE SAINT-CYR
C'est entouree des religieuses et des eleves d'un asile ou l'idee de la
religion s'unit a celle de la noblesse, ou il y a place pour la terre et
pour le ciel, pour le monde et pour Dieu, que l'epouse de Louis XIV nous
apparait dans son veritable cadre. Saint-Cyr est comme l'enfan
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