endant je suis tres petite de taille,
courte et grosse; somme totale, je suis un petit laideron. Si je n'avais
bon coeur, on ne me supporterait nulle part. Pour savoir si mes yeux
annoncent de l'esprit, il faudrait les examiner au microscope ou avec des
conserves; autrement il serait difficile d'en juger. On ne trouverait pas
probablement sur toute la terre des mains aussi vilaines que les miennes.
Le roi m'en a fait l'observation et m'a fait rire de bon coeur; car,
n'ayant pu me flatter, en conscience, d'avoir quelque chose de joli, j'ai
pris le parti de rire la premiere de ma laideur, cela m'a tres bien
reussi."
Si la princesse Palatine n'eblouissait pas la cour, en revanche la cour ne
l'eblouissait guere. Versailles et ses splendeurs la laissent insensible.
"J'aime mieux, ecrivait-elle, voir des arbres et des prairies que les plus
beaux palais; j'aime mieux un jardin potager que des jardins ornes de
statues et de jets d'eau; un ruisseau me plait davantage que de
somptueuses cascades; en un mot, tout ce qui est naturel est infiniment
plus de mon gout que les oeuvres de l'art et de la magnificence; elles ne
plaisent qu'au premier aspect, et, aussitot qu'on y est habitue, elles
inspirent la fatigue, et l'on ne s'en soucie plus." Ce qu'aimait, ce que
regrettait Madame, c'etait son Rhin allemand, c'etaient les collines ou,
enfant, elle allait voir se lever le soleil, et ou elle mangeait des
cerises avec un bon morceau de pain.
Nee dans la religion protestante, instruite rapidement et sommairement
dans la religion catholique, elle n'y trouvait ni la lumiere ni les
consolations que donne une foi plus eclairee; le melange de la politique
et de la religion l'irritait, et on comprend que la revocation de l'edit
de Nantes ait revolte ses sentiments autant que ses souvenirs
d'enfance.[1] "Je dois avouer, ecrivait-elle non sans raison, que lorsque
j'entends les eloges qu'on donne en chaire au grand homme pour avoir
persecute les reformes, cela m'impatiente toujours. Je ne peux pas
souffrir qu'on loue ce qui est mal." Elle deplorait qu'on n'eut pas fait
comprendre a Louis XIV que "la religion est instituee plutot pour
entretenir l'union parmi les hommes que pour les faire se tourmenter et se
persecuter les uns les autres".--"Le roi Jacques, ajoutait-elle, dit qu'on
a bien vu Notre-Seigneur Jesus-Christ battre des gens pour les chasser du
temple, mais qu'on ne trouve nulle part qu'il en ait maltraite pour les y
faire entrer."
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