e, presque
farouche.
Traduites en francais, les lettres de la princesse Palatine perdent
beaucoup de leur saveur. C'est en allemand qu'elles ont ce gout de
terroir, ces allures primesautieres, ce ton parfois cynique, parfois
burlesque, qui en font le principal merite. Si exagerees, si passionnees
qu'elles soient, elles valent la peine d'etre consultees, meme apres les
Memoires de Saint-Simon. Sans doute, Madame n'a rien du genie de ce Tacite
francais; mais il y a, dans leur style et dans leur destinee, plus d'une
analogie. Tous deux sont des temoins essentiellement recusables; car tous
deux ont des partis pris et ne peuvent juger de sang-froid des questions
qui interessent de trop pres leurs rancunes et leurs prejuges. Mais l'un
et l'autre n'essayent meme pas de dissimuler leur partialite; rien n'est
donc plus facile que de distinguer la verite a travers leurs mensonges. Si
elle n'a pas le genie de Saint-Simon, Madame en a les coleres, les
indignations et les haines. Elle est honnete femme comme il est honnete
homme. Elle aime, comme lui, le droit, la justice et la verite. Comme lui,
elle ecrit en secret, et se console d'une perpetuelle contrainte par
l'exageration de sa liberte de style. Comme lui, elle fait de sa plume et
de son encrier sa vengeance. C'est avec ses propres lettres que nous
allons essayer de retracer sa physionomie.
Fille de l'electeur palatin Charles-Louis et de la princesse Charlotte de
Hesse-Cassel, la seconde femme du duc d'Orleans naquit au chateau de
Heidelberg. Enfant, elle preferait les fusils aux poupees et annoncait
deja les cotes masculins de son caractere. Elle avait dix-neuf ans quand
son mariage avec le frere de Louis XIV fut decide.
Elle se mit en route pour la France en 1671. On lui depecha trois eveques
a la frontiere pour l'instruire dans la religion catholique, qui devait
etre desormais la sienne. Les prelats commencerent leur oeuvre a Metz et
la terminerent a leur arrivee a Versailles. La nouvelle duchesse d'Orleans
etait en tous points l'oppose de celle dont Bossuet fit l'oraison funebre.
La cour, qui avait admire dans la premiere Madame le type de l'elegance et
de la beaute, trouvait dans la seconde celui de la rudesse et de la
laideur. Autant l'une etait coquette, autant l'autre l'etait peu. C'etait,
pour la princesse Palatine, une sorte de plaisir d'exagerer elle-meme ce
qu'elle pensait de son physique: "J'ai de grandes joues pendantes et un
grand visage, ecrivait-elle. Cep
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