s riens.
La tache des courtisans est terminee pour aujourd'hui. Les lumieres sont
eteintes. Tout est rentre dans l'ombre et le silence. Enfin, c'est l'heure
du repos. Mais on dort peu, et l'on dort mal dans ce pays, dont parle La
Bruyere, "qui est a quelque quarante-huit degres d'elevation du pole et a
plus de onze cents lieues de mer des Iroquois et des Hurons." La le
sommeil de la nuit est trouble par les reminiscences d'hier, comme par
les inquietudes relatives a demain, et l'on n'oublie ni ses ambitions, ni
ses soucis, parce qu'on "se couche et on se leve sur l'interet".
VIII
LA MARQUISE DE CAYLUS
Au milieu de la cour de Versailles, vieillie et attristee, apparaissent ca
et la des figures jeunes, riantes, lumineuses, de frais et semillants
visages qui eclairent le palais et jettent un peu de vie sur la gravite du
ceremonial et sur les ennuis de l'etiquette.
Louis XIV aimait la jeunesse. Quant a Mme de Maintenon, qui n'eut jamais
d'enfants, elle se dedommageait de la cruaute du sort, en veillant, avec
une sollicitude toute maternelle, sur des jeunes filles qu'elle
cherissait. C'est ainsi qu'elle fit l'education de sa niece a la mode de
Bretagne, la jolie et gracieuse Mlle de Murcay-Villette; un vrai type de
Francaise, gaie, rieuse, meme un peu caustique, animee, amusante,
entrainante, entrainee.
Elle merite une mention speciale dans la galerie de Versailles, cette
petite magicienne, qui maniait aussi bien la plume que l'eventail, cette
femme d'esprit qui a eu l'honneur d'etre citee par Sainte-Beuve comme le
modele des qualites exquises dont il resume l'ensemble par ce seul mot:
l'_urbanite;_ cette enchanteresse a qui Mme de Maintenon disait: "Vous
savez bien vous passer des plaisirs, mais les plaisirs ne peuvent se
passer de vous."
Marguerite de Murcay-Villette, marquise de Caylus, naquit en 1673.
Benjamin de Valois, marquisde Villette, son grand-pere, avait epouse
Arthemise d'Aubigne, fille du fameux Theodore-Agrippa d'Aubigne, le
soldat-poete, l'austere et fougueux calviniste, le fier et satirique
compagnon d'Henri IV; Theodore-Agrippa d'Aubigne, dont le fils fut pere de
Mme de Maintenon. La petite de Villette-Murcay avait sept ans, et son
pere, qui servait dans la marine, faisait campagne, lorsque Mme de
Maintenon resolut de la convertir au catholicisme.
C'etait le moment ou Louis XIV convertissait les huguenots de son royaume.
L'enfant fut enlevee a sa famille et conduite a Saint-Germai
|