d'un intendant de je ne sais ou, qui se trouva a Bourbon et qui voulut
l'ouvrir sans savoir comment s'y prendre[1]". La mort d'une femme qui,
pendant plus de trente ans, de 1660 a 1691, avait joue un si grand role a
la cour, n'y causa aucune impression. Depuis longtemps, Louis XIV la
considerait comme morte. Dangeau se contenta d'ecrire dans son journal:
"Samedi, 28 mai 1707, a Marly: Avant que le roi partit pour la chasse, on
apprit que Mme de Montespan etait morte a Bourbon, hier, a 3 heures du
matin. Le roi, apres avoir couru le cerf, s'est promene dans les jardins
jusqu'a la nuit."
[Note 1: Saint-Simon, _Notes sur le Journal de Dangeau_.]
Un ordre formel interdit au duc du Maine, au comte de Toulouse, aux
duchesses de Bourbon et de Chartres de porter le deuil de leur mere;
d'Antin se couvrit de vetements noirs; mais il etait trop bon courtisan
pour etre triste, quand le roi ne l'etait point. Peu de jours apres, il
recevait magnifiquement son souverain a Petit-Bourg et faisait disparaitre
en une nuit une allee de marronniers qui n'etait pas du gout du maitre.
Quant a Mme de Montespan, l'on ne prononcait meme plus son nom. Voila le
monde. C'est bien la peine de l'aimer.
XIV
LA DUCHESSE DE BOURGOGNE
Toute la cour s'agitait, parce qu'une petite fille de onze ans venait
d'arriver en France. Cette enfant, c'etait la fille du duc de Savoie,
Victor-Amedee II, Marie-Adelaide, la future duchesse de Bourgogne. Le
dimanche 4 novembre 1696, la ville de Montargis etait en fete. Les cloches
sonnaient a grande volee. Louis XIV, parti le matin de Fontainebleau,
venait a la rencontre de la jeune princesse destinee a epouser son
petit-fils, et tous les yeux etaient fixes sur cette premiere entrevue
entre elle et le Roi-Soleil. Il la recut au moment ou elle descendait de
voiture, et dit a Dangeau, le chevalier d'honneur de la princesse:
"Pour aujourd'hui, voulez-vous que je fasse votre charge?"
Des le premier moment, la nouvelle venue charma le roi par la distinction
de ses manieres, sa gentillesse naturelle, ses petites reponses pleines de
grace et d'esprit. Louis XIV l'embrassa dans le carrosse; elle lui baisa
la main plusieurs fois en montant avec lui l'escalier de l'appartement ou
elle devait se reposer. Comme le roi rentrait dans sa chambre, Dangeau
prit la liberte de lui demander s'il etait content de la princesse:
"Je le suis trop, j'ai peine a contenir ma joie."
Puis, se tournant du cote de Monsieu
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