us, madame, dit-elle en entrant, que votre antichambre est
merveilleusement paree pour votre oraison funebre?"
Le roi continuait a voir Mme de Montespan. Chaque jour, apres la messe, il
allait passer quelques instants pres d'elle, mais comme par acquit de
conscience et non par plaisir. Entre eux il n'y avait plus rien du passe,
ni abandon, ni confiance, ni amitie. Aussi, dans cette cour naguere encore
remplie de ses flatteurs, ne rencontrait-elle plus un seul visage vraiment
ami. Si courte que soit la vie, elle est encore assez longue pour laisser
s'accomplir, souvent des ce monde, la vengeance de Dieu.
Apres s'etre longtemps cramponnee aux epaves de sa fortune et de sa
beaute, comme un naufrage aux debris du navire, Mme de Montespan se decida
enfin a la retraite. Le 15 mars 1691, elle fit dire au roi par Bossuet que
son parti etait bien pris, et que, cette fois, elle abandonnait Versailles
pour toujours. Un mois apres, Dangeau ecrivait:
"Mme de Montespan a ete quelques jours a Clagny, et s'en est retournee a
Paris. Elle dit qu'elle n'a point absolument renonce a la cour, qu'elle
verra le roi quelquefois, et qu'a la verite on s'est un peu hate de faire
demeubler son appartement."
L'ancienne favorite avait ete prise au mot. Son logement au chateau de
Versailles etait desormais occupe par le duc du Maine; elle ne devait plus
y revenir. Elle vecut alternativement a l'abbaye de Fontevrault, dont sa
soeur etait abbesse; aux eaux de Bourbon, ou elle allait tous les etes; au
chateau d'Oiron, qu'elle avait achete, et au couvent de Saint-Joseph,
situe a Paris, sur l'emplacement actuel du ministere de la Guerre. C'est
dans ce couvent qu'elle recevait les personnages les plus considerables de
la cour. Il n'y avait dans son salon qu'un seul fauteuil, le sien.
"Toute la France y allait, dit Saint-Simon, elle parlait a chacun comme
une reine, et de visites, elle n'en faisait jamais, pas meme a Monsieur,
ni a Madame, ni a la Grande Mademoiselle, ni a l'hotel de Conde."
Au chateau d'Oiron, il y avait une chambre superbement meublee ou le roi
ne vint jamais, et qu'on appelait cependant la chambre du roi.
Peu a peu les pensees serieuses succederent aux idees de vanite ou de
rancune. Le monde fut vaincu par le ciel. La penitente en arriva non
seulement aux remords, mais aux macerations, aux jeunes, aux cilices.
Cette femme, jadis si raffinee, si elegante, s'astreignit a ne porter que
des chemises de la toile la plus dure, a me
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